Une maison d'été contre une autre [16/04/2019]

Des forêts à perte de vue. C'était là la vue que m'offrait le hublot sur lequel je m'étais accoudée pour m'imprégner de ce que serait, pour quelques années au moins, mon nouvel univers.

Ce n'était pas ma première visite au Royaume Austral, mais jamais jusqu'alors n'avais-je ne serait-ce songé qu'il deviendrait mon nouveau foyer. A mes yeux, les silkiens n'étaient peut-être pas fondamentalement mauvais, mais leur intelligence collective, celle-là même dont ils vantaient les mérites, causait plus de tort qu'ils n'amélioraient le quotidien. Des industries basées sur l'exploitation de la brume ? Une porte d'entrée pour le Chancre et ses effets que nous lui connaissons tous. Des bateaux volants ? De quoi assiéger ses voisins sans qu'ils n'aient beaucoup de marge de manoeuvre pour se défendre. Et que dire de ce système où les femmes en sont réduites à des statuts d'hommes, ou pire : où les hommes eux-mêmes sont élevés au-dessus des femmes ?

Seule dans la cabine de notre bateau volant aux gravures et emblèmes caractéristiques de l'Empire Nuwa, j'abandonnais les forêts émeraudes en soupirant pour rejoindre un servant dans la pièce d'à côté qui, s'il m'attendait depuis longtemps pour me préparer à notre arrivée, ne se permit ni de le faire remarquer, ni d'en montrer un quelconque signe.

La maison brillait de mille feux. Des mains anonymes avaient fait leur possible pour que tout soit prêt pour l'arrivée des notables du Kaimin de Ren et de la Famille Mei. Sur le perron, Arash lui-même avait pris soin d'être là, habillé d'une tenue bleue foncé laminée d'argent qui scintillait discrètement sous le soleil et mettait en valeur ses épaules carrées et ses hanches fines. A sa droite, sa petite soeur, ravissante dans sa robe de soie verte. A sa gauche, un peu en arrière, Arya, les yeux baissés sur son uniforme. Autour, les intendants, les représentants du village, bref, les notables du coin. Le bateau ne tarderait plus. Derrière son sourire, le jeune homme se sentait tendu, impatient. Il devait s'empêcher de refermer les poings sur sa tunique. Cette femme qu'il devait épouser, il n'avait pas envie de la voir. Pourquoi se contenter d'une seule quand il y avait tant d'occasion de s'amuser ? Et pourquoi une fragile petite brindille jaune alors qu'il aurait aimé une riante silkienne à l'humour corrosif ? Ou Arya. Elle lui suffisait bien depuis qu'il l'avait enlevée à l'oncle. Il retint un soupir. Allons. Il le fallait puisqu'IL l'avait dit. Il inspira, jeta un coup d'oeil en coin à sa servante personnelle qui rougit, sachant parfaitement ce que cela voulait dire. Il n'aurait jamais de femme qui le comprenne aussi bien que celle là. Mais pour quelques jours, il devrait faire croire le contraire à une autre. L'ombre du bateau survola la cour. Il était temps.

Droite et fière, j'avais insisté contre vents et secousses à me tenir sur le pont du petit navire volant, afin d'être l'une des premières visibles depuis le sol quand viendrait l'atterrissage. Le menton haut, je contemplais la résidence de Solares des Takhmaspa - un nom qu'il me faudrait bien vite apprendre à prononcer correctement, avec mon accent. Malgré leur maigre expérience en comparaison des navigateurs silkiens, la femme nuwa à la barre se posa au sol aussi doucement qu'on aurait pu l'espérer, c'est à dire tout juste suffisamment pour ne pas couvrir les Mei de ridicule.

J'avais tout fait pour que, d'en bas, ne subsiste nul doute : j'étais bien Mei Lin, héritière des Mei, venue ici découvrir mon fiancé sans honte ni remord. Robe en soie rouge aux reflets argentés, cheveux remontés en un chignon parfait tenu par deux baguettes et maquillage noir autour des yeux pour les allonger, il était clair que mes servants s'étaient donnés du mal. Sans excès de confiance, j'avais moi-même face au miroir été bluffée par la qualité de leur labeur.

Mais trève d'auto-congratulation : il était temps d'abaisser la planche pour rejoindre la terre ferme ... et ma nouvelle famille d'accueil.

Il descendait. A sa proue, comme une figure de bois, une femme. D'en bas, ses vêtements étaient bien ce qu'il y avait de plus frappant chez elle. Des tissus riches. Des drapés exotiques. Elle semblait bien fade, celle qui était dedans. Alors que le vaisseau perdait de l'altitude, Arash s'interrogea sur la conduite à tenir. Devait-il attendre qu'elle vienne à lui pour marquer dès le début la place de chacun et l'obliger à marcher dans la poussière ? C'était tentant. Plus ce mariage lui déplaisait, plus il avait envie de le faire. Mais il n'était pas idiot et elle pouvait très bien le faire céder pour peu qu'elle décide de tourner la rencontre en rapport de force. Le silkien n'aimait pas commencer des combats qu'il n'était pas certain de gagner et sa Famille avait besoin de cette union. Il ne savait pas ce qu'il en était de la famille de la jeune femme. Nujwa apparu alors à ses côtés magnifique, exotique dans sa robe feu, noir et blanche. Le vaisseau accosta, le jeune homme accrocha un sourire charmeur à sa figure, avança vers la passerelle et tendit poliment sa main à sa promise.

"Bienvenue parmi nous, Demoiselle Mei" ce que ça faisait bizarre de se dire qu'ils inversaient le prénom et le nom ! N'importe quoi pour avoir l'air intéressant. "Votre arrivée était impatiemment attendue, avez-vous fait bon voyage ?"

Il était beau pour un Silkien, on ne pouvait le nier. Mais quelque chose dans son sourire aux airs parfaitement naturel me laissait présumer le pire : nul riche héritier du Royaume Austral ne serait aussi extatique à l'idée de rencontrer une fiancée d'un peuple qui lui est inconnu. Pas plus que je ne l'étais, en tout cas.

Je lui offrais néanmoins un sourire sincère mais simple, de circonstance. Il me tendait sa main, sans que je n'arrive à en comprendre le but : pourquoi un noble s'occuperait-il de ... Non, le juger d'après nos standards et nos coutumes serait injuste. Il était, après tout, tout aussi victime de notre union que je l'étais.

« Très bon voyage », fis-je simplement, en me retournant un instant, le temps d'attraper l'un des bagages légers que portait un servant dans mon dos, et d'en placer la sangle dans la paume de mon promis. « Nous ne nous attendions pas à arriver si tôt. »

Elle...lui donnait son sac ? Sans réfléchir au fait que cela puisse être une vague preuve de confiance, il confia, d'un même mouvement, la même sangle à Arya qui l'avait suivi, comme de bien entendu. Il ne lui fit même pas l'aumône d'un regard, juste soulagé de savoir que le fardeau était assez léger pour qu'elle puisse le porter sans lui faire honte. Comme le contact entre eux semblait impensable pour la jeune femme -sinon, elle aurait pris sa main, c'était évident- il n'insista pas et lui fit signe de le suivre tout en se plaçant à sa hauteur. Il n'avait pas vu qui que ce soit qui ait vaguement l'air de parents et décida d'ignorer l'escorte impériale qui était forcément venue avec elle. C'était à l'intendant de se renseigner sur les qualités des invités et de loger tout le monde. Pas à lui. Et il en était bien content.

"En effet, votre arrivée nous a pris un peu de cours. Je suis désolé de vous apprendre que mon oncle et mon père sont toujours à la Capitale et n'arriveront qu'à la date prévue. Mais ne vous en faites pas, je ferais de mon mieux pour vous faire oublier ce léger désagrément." Nujwa le suivait toujours, souple et discret. Arya aussi, un pas en arrière. Ils passèrent devant la haie de domestiques, toujours sans qu'Arash ne leur adresse un regard. "Préférez-vous vous rafraichir avant de prendre une collation ou bien vous sustenter avant de visiter les lieux ?"

Cet homme est bien étrange, me dis-je en l'observant offrir le sac à sa servante, avant de me guider ... sans me saluer. Etait-ce là une insulte calculée, ou tout simplement le fait de nos différences culturelles ?

Peu importe. Je le suivais, l'écoutant d'une oreille pour mieux me concentrer sur ce qui m'entourait, incluant la haie de serviteurs dont la très large majorité ne se permettait de m'observer. La très large majorité, moins un homme moustachu qui me jetait des regards qui, s'ils ne dégageaient aucune haine particulière, transpiraient la médisance.

Sans répondre immédiatement à mon hôte et fiancé, je m'arrêtais un instant à son niveau pour mieux lui jeter un regard froid, ne quittant son regard que lorsqu'il le détourna, avant de reprendre la route comme si rien ne s'était passé.

« Avant toutes choses, Seigneur Takhmaspa Arash », débutais-je avec difficulté à l'énoncé de son nom, étant donné mon accent, tout en tournant paisiblement la tête vers lui. « Mes parents souhaitent s'excuser de leur absence, mais puisque votre famille n'est non plus présente, je pense que nous pouvons nous considérer sur un pied d'égalité. »

Je lui offrais un bref sourire sincère pour retirer tout second sens à ces paroles, avant de reprendre.

« J'apprécierais un verre d'eau, pour l'instant. »

"Seigneur Takhmaspa." Reprit-il avec le sourire aimable de celui qui ne veut pas froisser mais pas non plus laisser sa promise dans l'erreur. "Ou simplement Arash si vous voulez être plus familière. Ici, nous ne disons que rarement ensemble le nom et le prénom, c'est bien trop cérémonieux. Et nous utilisons l'ordre inverse du votre." Il était heureux de la voir faire un impair. Elle était moins de porcelaine que ce qu'elle voulait bien montrer et c'était rassurant parce que les poupées gelées, ce n'était pas sa tasse de thé. Il en avait déjà une de chiffon en la personne d'Arya. Il lui fit signe de passer devant lui dans la grande salle où se trouvaient des pichets d'eau, aromatisés ou non de fruits, du vin rafraîchi avec de la glace, et des jus de fruits accompagnés de quelques pâtisseries locales et de fruits. Les cuisiniers s'étaient dépassés malgré un dîner prévu plus splendide encore. Il fit signe à un des domestique (pas celui qui avait fait une bataille de regard avec la jeune femme. Celui-ci serait envoyé aux enclos pour tout la période de la visite) qui servit des verres d'eau. "J'ose espérer que l'évènement qui nous prive de la présence de vos proches n'est ni grave ni autrement désagréable pour votre famille ?"

Je hochais la tête à son adresse, appréciant le geste qui ressemblait plus à une suggestion qu'une correction. Il m'arrivait souvent de vouloir asseoir ma dominance en imposant ma culture, mais il est vrai que pour celui qui deviendrait très probablement mon mari, une exception était de mise.

« Rien d'important, une simple tentative d'assassinat », lançais-je nonchalamment pendant qu'un de mes servants s'affairait à goûter l'eau. J'y ajoutais enfin un rire amusé, sans moquerie, en observant les yeux écarquillés de la rousse qui accompagnait le jeune héritier, sans rien ajouter pour préciser s'il s'agissait d'une plaisanterie ou non, avant de récupérer le verre offert et d'en boire une gorgée.

« J'aurais besoin d'un bureau de travail, pendant mon séjour », fis-je pour changer de sujet. « Et d'une pièce tranquille pour méditer le matin. »

Il eut un sourire mais ne pu empêcher ses sourcils de se lever à l'annonce d'une tentative d'assassinat sur la famille de sa fiancée. Il l'épousait pour des raisons politiques, pas pour mettre en danger sa petite soeur. Il allait devoir mettre ça au clair. Mais pas là, pas maintenant. Maintenant, l'important c'était de donner l'image de la rencontre joyeuse.

"Vous aurez cela. Permettez moi de vous présenter Arya qui va vous servir durant votre temps parmi nous. Elle veillera à tous vos besoins, même ceux que vous ne seriez pas confortable d'exprimer devant moi." Les femmes et leur sacro-sainte pudeur. Bah. "A quelle heure avez-vous pour habitude de méditer ? Mangez-vous avant ou après ?"

Je ne faisais acte de la critique misogyne caractéristique des hommes silkiens, pour mieux offrir un sourire faussement sincère à ma nouvelle servante. Espionne, boulet ou atout, il ne tiendrait qu'à moi de percer ce qui se cachait derrière la dénommée Arya.

« Enchantée, Arya. Vous pouvez m'appeler Dame Mei », fis-je à l'adresse de cette dernière, avant même de répondre aux questions de mon fiancé. « Je médite en général aux aurores, très tôt. Il s'agit d'un rituel durant lequel je souhaite rester seule en toutes circonstances. » M'y retrouver à ces heures et découvrir mon honteux secret n'en serait que bien trop embarrassant. « Je déjeune en général après, mais dans tous les cas je m'accorderais à vos us. Je ne suis pas ici pour révolutionner vos habitudes. »

Ignorant totalement les histoires entre ses dames et le regard de reproche que lui lançait alors sa maîtresse, Arash resta concentré sur sa mission, faire de son mieux pour que le séjour de son invitée se passe le mieux possible afin qu'elle puisse rentrer, raconter à sa famille les efforts et l'hospitalité Silkienne. Ce n'est pas que ça l'amuse hein, mais le devoir est quelque chose qu'il ne comprend que trop bien.

"Bien Dame Mei" fait doucement la jeune femme, les yeux baissés comme il le convient à une personne de son rang.

"Votre chambre est accotée à un bureau qui donne sur une prairie utilisée pour faire paisser les bêtes. Je demanderais à ce que personne ne vienne à votre service avant le déjeuner afin que vous soyiez aussi seule que vous le désirez. Arya sera à portée de voix si vous en avez besoin. Celui-ci pourra également vous servir en journée si vous en avez besoin. Personnellement, j'ai beaucoup de devoirs le matin, entre l'entraînement martial et la gestion du domaine. Que diriez-vous de visiter nos terres demain après-midi ?"

« Ce sera un plaisir », répondais-je, pour une fois sincère. J'étais curieuse de découvrir l'univers des nobles silkiens de plus près, sans doute plus éloigné de celui, plus officiel, de Sorréal.

"C'est parfait." Et hop, il avait libéré sa matinée pour faire ce qu'il voulait sans s'infliger la présence de Dame Mei plus que nécessaire. Et puis ça ferait plaisir aux gens de voir une impériale. Ne voyageant pas, ils n'en avaient probablement jamais vu. Il faudrait qu'il fasse dire aux villages de se nettoyer un peu, qu'ils passent pas pour des bouseux. "Pour aujourd'hui, j'ai prévu de vous laisser le temps de vous installer et de vous rafraîchir puis vous faire visiter la maison. Pour le dîner, il se fera en petit comité, simplement la famille et ses proches. La soirée sera animée par des musiciens, si vous le trouvez agréable."

Takhmaspa Arash m'avait offert une porte de sortie vers la solitude, à laquelle j'aspirais tant. Peut-être n'était-il pas aussi socialement gauche que ses pairs, en fin de compte, s'il avait compris mon besoin sans que je ne l'exprime.

« Il me tarde d'entendre cela. » Je détestais la musique silkienne, mais le dire n'aurait été ni poli ni avisé : j'avais le rôle de celle qu'il fallait impressionner, et mon devoir était aussi de prétendre l'être. « Peut-être pourrons-nous poursuivre sur des poèmes Kaiming De Ren. »

"Si vous le leur en fournissez, il faudrait beau voir qu'ils ne le fassent pas." Après, c'étaient des musiciens silkiens et s'ils ne connaissaient pas de musiques du Kaiming de Ren, on ne pouvait pas le leur reprocher. "Arya connait bien la maison et pourra vous servir de messagère pour aider à l'organisation de la soirée. Si vous le désirez."

Un silkien s'adonnant à des arts Kaiming De Ren : de quoi regretter les plus mauvais chants et poèmes impériaux. « Dans ce cas, faisons simple et gardons le déroulé tel que vous l'aviez prévu », fis-je, sans afficher le moindre agacement. « Souhaitez-vous m'accompagner jusqu'à mes appartements », puisque l'on disait que cela se faisait, en ces terres, « ou préférez-vous que nous nous retrouvions pour le dîner ? »

"Je vais vous accompagner. Ainsi, si quoi que ce soit vous déplaît dans les accommodations que nous avons prévu pour vous, je pourrais veiller à ce que ce soit modifié correctement et le plus rapidement possible." Il posa son verre d'eau, lui faisant un geste au niveau de sa taille, sans la toucher pour l'inviter à rester à ma hauteur. La maison était grande, les chambres nobles au premier étage, celle de l'invitée contre la mienne, il supposait pour l'inciter à la séduire mais franchement, il aurait plus envie de faire des avances à la forêt. Ou a un glaçon. Cette fille ne donnait absolument aucune prise.

Je l'admets honteusement, je crus l'espace d'un instant qu'il allait mettre son bras autour de ma taille, et je ne saurais dire le cas échéant quelle route l'instinct m'aurait fait prendre. Mais il n'en fit rien, manifestement gentilhomme.

« Je ne suis pas si difficile. » Tout du moins sais-je le prétendre. Muette, j'observais ce qui serait, le temps de mon séjour, ma nouvelle maison. Elle était belle et richement décorée, mais je ne pouvais m'empêcher de penser qu'elle manquait de quelque chose ... d'esprit, peut-être. Comme une cage dorée.

Désormais relativement seuls, je me permettais un peu plus de familiarité, pour tester ses limites. « Vous n'êtes finalement pas si mal, pour un silkien », fis-je sur un ton à demi humoristique.

Il sourit, amusé par le demi-compliment. Pas mal pour un silkien, vraiment. Les Silkiens étaient les plus beaux du monde connus. Plus grands, plus forts, plus adaptables que les impériaux là, et par rapport aux vigesciens, il n'y avait même pas l'ombre d'une comparaison. Et même pour un Silkien, il se savait beau. Charmant. Mais au moins c'était un début de chaleur. "Vous m'en voyez ravi ma Dame et si cela peut contribuer à vous plaire, j'accepterais même de m'habiller en Kaimin de Ren si cela vous aide à me comparer avantageusement aux hommes de votre peuple."

« Je parlais plus de votre personnalité que de votre physique », répondis-je, espérant secrètement qu'il ne s'agissait-là que d'une plaisanterie. Néanmoins, j'avais un moyen de le tester. « Très bien. Je vous ferais parvenir des vêtements masculins de l'Empire, nous en avons sans doute quelques uns dans nos valises. »

Il eut un léger sourire. Elle parlait peut-être de son esprit mais elle le prenait au mot. Qu'à cela ne tienne, il n'avait pas peur de se mesurer aux impériaux. Il était plus grand, plus large d'épaules, avec une peau plus sombre, des yeux plus clairs. Il s'inclina pour la première fois, avec un soupçon d'auto-dérision.

"Vous n'êtes pas trop mal non plus pour une impériale. Vous sentiriez-vous capable de me rendre la pareille ?"

S'ils arrivaient au diner chacun dans les vêtements de l'autre culture, certainement que le message serait fort et qu'ils feraient sensation. On disait que les demoiselles étaient folles des tissus du Kaimen. Qu'ils s'ouvraient facilement.

Moi, m'habiller comme une étrangère ? ... L'idée me semblait bien étrange, et je n'étais pas certaine de pouvoir m'adapter à ces corsets austraux dont on racontait qu'elle faisait s'évaounir certaines. Etant donné ma condition physique, sans doute était-il judicieux de placer un véto temporaire à l'idée, au moins le temps que je puisse m'adapter à l'environnement - et celui d'essayer des tenues locales, pour voir le résultat.

« Je vous avoue être épuisée par le voyage, Seigneur Takhmaspa », fis-je, en tâchant de ne pas écorcher son nom. Les silkiens avaient cette facheuse tendance à détenir des noms au moins aussi long que leur égo. « Mais gardons cette idée pour une fois prochaine. »

M'arrêtant devant ce que je supposais être mes appartements, j'inclinais la tête à son adresse, sans doute plus froide que je ne l'aurais souhaité.

« Je vous retrouverais donc au dîner, je suppose. » Comme une invitation peu subtile à me laisser désormais seule.