Un voyageur bien imprudent [23/08/2021]

Le 23 août 2021

À peine le Dragon, mon vaisseau volants s’est-il posé près de la ville frontière entre Terranova et la Vigescie, que je descends, impatient de me dégourdir les jambes. Le voyage a été long entre l’Empire Nuwa et ce petit point sur la carte et pourtant, le restant du trajet sera encore plus long, car je ne peux plus utiliser mon moyen de locomotion habituel, les tempêtes mettront mon fier navire en pièce.

Bien sûr, j’ai ma petite escorte habituelle avec moi, et la première chose à faire est de trouver de la nourriture fraîche, se nourrir de viande fumée peut-être intéressant, pendant un moment, mais là, je suis arrivé à saturation. Nous faisons donc les courses, laissant mes compagnons marchander et porter les provisions, préférant observer mon environnement.

Tout est nouveau pour moi, mais à force de papillonner, je me retrouve seul dans une grande place et comme il commence à se faire tard, les marchands remballent leurs affaires. Pas trop inquiet, car la ville est assez petite, je prends le chemin du retour, mais après deux ou trois culs-de-sac, je dois me rendre à l’évidence, je me suis perdu !

Et c’est au moment où je me dis que les choses ne pourraient pas aller plus mal, que j’entends un grondement, et je vois deux yeux rouges luire dans l’obscurité, il s’agit d’un énorme chien errant, sans doute victime de la rage vu les litres de bave qu’il laisse sur le sol. Sans perdre de temps, je prends mes jambes à mon cou, courant droit devant moi, l’immonde bête sur les talons. Je quitte la ville et m’enfonce dans le désert, prenant une direction au hasard.

Après plusieurs dizaines de minutes de courses, je suis en nage, mes vêtements légers collant à ma peau à cause de la sueur et je me rends compte de deux choses, la première chose, c’est que mon poursuivant a disparu, ce qui est une bonne chose, la deuxième, c’est que je n’ai aucune idée de là où je suis et c’est une très mauvaise chose.

La déesse étant à mes côtés, je vois une oasis et en m’approchant les lueurs d’un feu, je continue donc et ne voyant personne, demande d’une petite voix :

Est-ce qu’il y a quelqu’un ?

Depuis de nombreuses décennies, la Vigescie était un territoire que j'évitais à cause de tout ce que j'ai pu vivre. Pourtant... je ne pouvais m'empêcher de temps en temps de revenir sur le territoire, peut-être espérais-je inconsciemment que quelqu'un m'apercevrait et se souviendrait de qui j'étais ? Quoi qu'il en soit, c'était à ce jour un de ces moments, à vouloir à nouveau explorer ce territoire qui m'était si cher, les terres qui avaient vu ma naissance et mon envol en tant qu'héroïne. J'avais le nécessaire sur moi pour cette petite expédition : mes armes, des vivres, et quelques accessoires plus ou moins utiles enfournés dans mes affaires.

Ces territoires désertiques... ils avaient beau être beaucoup moins pratique pour la chasse, je ne pouvais pas m'empêcher de les admirer lorsque je passais devant.

Après plusieurs heures de voyages, je tombais sur un oasis. C'était un bon moment pour faire une escale, juste de quoi reprendre quelques forces avant d'à nouveau partir à la recherche d'une ville. Déposant mes affaires, je viendrais installer un léger feu de camp, de quoi cuire ma nourriture correctement, avant de finalement effectuer une petite ronde en compagnie de mon arc.

Alors que je revenais en direction de mes affaires, j'entendis des pas suivi d'un appel. Méfiante, j'encochais une flèche dans mon arc sans pour autant bander ce dernier, m'approchant de l'inconnu tout en restant sur mes gardes.

" - Qui êtes vous ? Vous êtes un brigand c'est ça ? Je vous préviens, je ne suis pas du genre à retenir mes coups si jamais vous voulez vous battre."

Je suis choqué, non à cause de la voix que j’entends derrière moi, mais que l’on me prenne pour un brigand, alors je lui réponds, levant bien mes mains en l’air :

Ce n’est pas très gentil de me traiter de bandit, je n’en ai ni l’allure, ni les vêtements.

Même si mes habits sont un peu froissés et couvert de la poussière du désert, j’ai quand même des vêtements de qualité et mes chaussures sont en cuir véritable de peau de serpent, bref, j’ai quand même la classe. Toutefois, les habitants de ces lieux désolés, doivent ignorer que je suis au top de la mode Impériale, il n’y a pas mieux. Avec un soupir résigné, je reprends donc :

Je suis un voyageur qui a rencontré un véritable molosse et qui a froid, faim, soif et est complètement fatigué. J’ai vraiment besoin de me reposer un peu, au petit matin, si vous avez la bonté de me montrer la bonne direction, je retournerai au village frontalier et vous n'entendrez plus parler de moi.

J’espère qu’elle acceptera, normalement, je n’ai pas un physique de combattant et je n’ai qu’une arme, une simple dague dont j’ai du mal à me servir, alors je ne représente guère de danger.

Ses mots semblaient plutôt cohérents. A y regarder de plus prêt, il était vrai que cet homme ne ressemblait pas à un brigand, bien plus à un étranger. Qui porte ce genre de vêtements pour traverser un désert ? Il vaut toujours mieux privilégier la pratique au visuel, l'un permet de rester tandis que l'autre... permet de bien décorer le cadavre.

Ses prochains mot finirent par me convaincre qu'il était bel et bien un étranger complètement perdu. Cependant, pouvais-je vraiment me contenter de lui indiquer une direction avant de le laisser partir ? Même si je restais sur mes gardes, je décidais de retirer la flèche que j'avais encoché avant de défaire la corde de mon arc pour ne pas l'abimer. Après tout, il ne devrait pas pouvoir me faire grand chose. Retournant en direction de mon feu, je lui enverrais quelques mots.

" - Vous êtes affamé, assoiffé et fatigué et vous voulez retourner comme ça dans un village ? Vous n'avez aucune chance de survie, venez plutôt vous installer ici, je vais vous passer de quoi reprendre quelques forces."

Il me restait un peu de gibier, suffisamment pour terminer mes réserves de viande fraiche, c'était le moment de les préparer pour voir ce que cela donnait. S'il s'approchait du feu, je viendrais tendre en sa direction une gourde d'eau. Peut-être n'était-il pas un ennemi, mais il ne faut jamais baisser sa garde et c'est pourquoi mon sac avec mon fléau n'était pas très loin, juste de quoi me permettre de le saisir en cas d'assaut inopiné.

Enfin, mon interlocutrice comprend la situation, comme quoi les femmes sont bien plus intelligentes que les hommes, ces derniers auraient eu besoin de bien plus d’explication. Comme nous nous approchons du feu, je peux à voir ressemble celle qui a accepté de m’aider et je peux dire que je suis surpris, c’est une Vigisienne, une géante, car elle me dépasse d’une bonne tête, avec une musculature parfaite, c’est bien simple, on dirait une statue ancienne.

Je lui fais donc un large sourire avant de m’asseoir sur une sorte de pierre dépassant du sable, et j’enlève avec grand plaisir mes bottes. Je soupire de soulagement, m’étirant les bras à fond, peu habitué à l’exercice physique intense que je viens de faire et j’indique à mon interlocutrice :

C’est bien aimable à vous, je m’appelle Woo Jie.

Autant se présenter, surtout que je reçois de ses mains une gourde d’eau, que je vide presque entièrement, tellement j’ai soif. Je suis rassuré par le fait que je vais pouvoir mon sortir, la Déesse veillant toujours sur moi. Je suis curieux de voir une femme ici, toute seule, alors que la plupart des membres de sa nation vivent en petit groupe, alors je lui demande :

Vous êtes une sorte d’éclaireuse pour votre clan ?

Et oui, je suis assez fier de moi sur ce coup-là, j’ai lu pas mal de livres avant de partir alors je sais de quoi je parle.

" - Appelez moi simplement Nodagog."

L'homme commença à se déchausser et prendre ses aises. Bon, au moins il ne semblait pas méfiant, ce n'était clairement pas le genre de réaction qu'aurait eu quelqu'un qui m'ait reconnu. Il semblait particulièrement joyeux quant au fait que je l'ai invité à prendre place ici pour se reposer un peu, est-ce un comportement sincère ou simplement une feinte de sa part ?

Quoi qu'il en soit, la question qu'il me posa par la suite fit que mon sang se retourna en un quart de seconde. C'était un étranger mais il semblait connaître le fonctionnement des clans de chez nous. Soit il était un homme de culture, soit tout ceci était en réalité un immense piège qui n'attendait que de se refermer sur moi. Restant impassible, je viendrais simplement lui bricoler une réponse.

" - Non, je suis simplement une voyageuse, je ne fais partie d'aucun clan."

C'était un mensonge, mais en même temps une vérité qui me mettait terriblement mal. Je faisais bien parti d'un clan... mais il n'existait plus personne pour s'en souvenir. Tous mes anciens compagnons étaient probablement mort de vieillesse, toute ma famille également, même mes partenaires les plus intimes ne se souvenaient plus de moi. J'étais une inconnue, quelqu'un qui n'existait pas.

Détournant mon regard quelques instants, j'observerais l'horizon, songeuse quant à ce qu'était devenue ma vie, silencieuse, en oubliant complètement qu'une personne était à mes côtés.

Nodagog, c’est un prénom cette suite de syllabes ? Cela pourrait même être un titre chez le peuple du désert, mais bon, puisqu’elle me l’indique, je vais faire avec. Sa réponse concernant son appartenant à un clan me surprend un peu, mais je suppose que comme dans tout groupe, il y a des gens qui veulent garder leur indépendance, en tout cas, puisqu’elle a parlé de voyage, je lui demande en souriant :

Je voyage moi-même beaucoup, même si c’est la première fois que je pose les pieds sur ce continent, vous avez déjà été à la capitale ? A ce que l’on dit, elle a été construite autour d’un squelette de géant aussi haut que le ciel, c’est vrai ?

Pour moi, il s’agit d’une exagération ou d’une licence poétique, ce sont sans doute de simples colonnes de marbre qui font penser à des os. J’attends donc sa réponse, avant de lui dire :

Dame Nodagog, Pour la nourriture, si ce n’est pas trop demandé, j’aime la mienne un peu saignante, mais pas trop.

Autant évité de manger une viande trop cuite, dure comme une vieille semelle. J’en profite également pour sortir ma dague et la sortir de son fourreau, lui tendant par la lame, tout en lui disant :

Il s’agit d’un très bon acier, pour découper la nourriture, ce sera plus facile qu’avec votre fléau.

J’ai une grande confiance envers mon interlocutrice, après tout, avec sa musculature, elle pourrait me briser en deux, comme une simple brindille.

" - Evidemment, tous les Vigesciens passent au moins au fois dans leur vie par la capitale. Même si cela fait plus d'une demi siècle que je n'y suis pas allée, je me souviens parfaitement des restes du squelette d'Armasdem. Ce combat est une de nos fierté, il représente notre valeur au combat et notre organisation exemplaire."

Je me surprenais presque moi-même à prononcer ces mots. J'étais presque devenu une inconnue pour ce pays et pourtant... mes origines semblaient difficile à lâcher, protégeant l'honneur des miens comme si ma vie en dépendant alors qu'aucun d'eux n'agirait de la même manière désormais. Soupirant un coup, je profitais de l'enchainement de discussion de l'homme pour me remettre les idées en place, récupérant la dague de l'homme afin de l'observer un peu sous tous les angles, jaugeant la qualité de la lame. Finalement, je commencerais à découper quelques morceaux.

" - En effet, c'est de la bonne qualité, mais ça ne vous aidera pas beaucoup en cas de problèmes. Vous avez prévu de quoi vous défendre ne serait-ce que contre une attaque d'un Na'aji sauvage ? Ou pire, une chenille des sables ?"

Finalement, je viendrais lui tendre à nouveau sa lame avant de déposer les morceaux de viandes sur un support au dessus des flammes pour qu'ils puissent cuire correctement.

Un demi-siècle ? Mon interlocutrice a au minimum cinquante ans ? Je ne sais pas ce qui me stupéfaits le plus, qu’il y a vraiment existé un géant ayant été tué par des humains ou que la femme qui me fait face et que je ne peux plus vraiment qualifier de jeune, ai environ trois fois mon âge. En tout cas, je lui dis en toute sincérité :

Vous êtes très en forme, cela ne se voit pas du tout, je suis impressionné par votre condition physique.

Quand elle me demande comment je me défendrai de différentes créatures du désert, je lui réponds en souriant :

Si je me souviens bien de mes lectures, le Na’ji est une sorte de gros chien, je pense donc que je me mettrai à l’abri et que j’attendrais que les guerriers que j’ai embauchés tuent ou fassent fuir la créature. Le cas de la Chenille des Sables est plus compliqué, d’après ce que j’ai compris, elle reste immobile et avale les voyageurs, alors je pense que je vais me garder de m’approcher des rassemblements de cristaux et prier la Déesse.

Voilà, c’est le maximum que je puisse faire pour le moment et je lui réponds d’ailleurs pour me justifier, tout en récupérant ma lame, la nettoyant avant de la remettre dans son fourreau.

Je ne suis pas un guerrier, ni un chasseur, je vais donc embaucher quelques mercenaires, d’ailleurs si vous connaissez une tribu spécialisée pour tout ce qui est transport, je suis preneur, une grande caravane ne va pas tarder à partir et j’avais déjà prévu d’en faire partie.

Cela va être une sacrée expédition, alors autant être préparé.

L'homme me complimenta sur mon physique. J'avais l'habitude fut une époque, mais ce temps était si loin désormais...

" - Merci, mais je suis une vieille femme aujourd'hui, je suis loin d'être au summum de ma force. Le temps m'a bien fait dépérir."

Suite à cela, il s'expliqua sur la méthodologie qu'il comptait employer pour se défendre, et cela ne me surprenais guère au final. Comme n'importe quel personne bourgeoise, il comptait engager des gens pour se battre à sa place, rien de très surprenant au final. Pour autant, quelque chose me surprenait bien plus : j'étais incapable de me sortir de la tête que sa présence en ces lieux avaient probablement une autre raison. Je me décidais à essayer de tâter un peu le terrain et les informations.

" - Et qu'espérez vous trouver à braver autant de danger sur ces territoires ? Pensez vous qu'il existe quelque chose qui vaille la peine de risquer votre vie ainsi que votre argent ? Si oui, je dois bien avouer que je suis quelque peu curieuse."

La femme me surprend en m’indiquant qu’elle a bien dépéri, alors que je peux compter ses abdos à l’œil nus sans aucun problème, alors par jeu, je lui réponds en souriant :

Je suis certain que de nombreux prétendants vous font la cour.

Je suppose que certains se sont même battus pour obtenir ses faveurs, je ne connais pas comment les relations se passent dans le désert, mais vu leur petit nombre, les choses doivent être assez direct. Elle embraye ensuite sur un autre sujet qui me fait rire et je lui dis en la regardant droit dans les yeux :

Nous nous connaissons à peine et vous voulez que je vous dise tous mes petits secrets ?

Puis je lui dis, plus sérieusement :

Je peux vous donner un indice, mais avant, je suis moi aussi curieux et je voudrais bien savoir pourquoi vous avez quitté votre clan, est-ce une peine de cœur ?

Vu comment elle parle d’elle, je suis persuadé que c’est ce qui est arrivé, peut-être a-t-elle rencontré un homme qui lui a brisé le cœur, ce qui l'a poussé à l’exil. J’attends donc sa réaction, me demandant si elle va vouloir répondre ou si la cicatrice est trop récente pour qu’elle puisse en parler. Je me fais d’ailleurs la réflexion qu’avoir de grand talent martial et un corps rompus à tous les combats, ne suffit pas à être heureux.

Des prétendants ? C'est vrai, dans ma jeunesse, beaucoup de personnes me tournaient autour et nous profitions tous ensemble de ces moments de plaisirs. Hommes, femmes, peu importe qui ils étaient, j'appréciais leur compagnie et cela était parfaitement réciproque. A y réfléchir, ai-je vraiment eu le moindre contact sentimental avec qui que ce soit depuis mes problèmes ? Plus vraiment non. Je me contentais alors simplement de répondre de manière plutôt évasive.

" - Comme tout le monde, ma jeunesse était remplie de prétendants oui, mais vous savez, le temps peut changer beaucoup de choses."

La suite de la discussion était bien plus gênante. L'homme face à moi semblait penser qu'avoir quitté mon clan était dû à une peine de cœur il était si loin de la vérité. Pourtant, je me posais la question : devais-je lui parler de ce qu'il m'était arrivé ? Après tout, les seuls a qui j'avais tenté d'en parler étaient des locaux, peut-être que pour un étranger... dans le pire des cas, il fera comme les autres et me prendra pour une folle.

" - Malheureusement, j'aurais préféré que ce soit une peine de cœur. Je peux vous en parler si vous voulez, mais je peux vous assurer que vous ne me croirez pas. Vous me traiterez même de menteuse, vous préférerez croire cela plutôt que d'imaginer que mon histoire est réelle. Est-ce que vous pensez vraiment avoir envie d'entendre cela de la part d'une vieille femme probablement devenue sénile ?"

Je le savais ! J’ai devant moi une véritable bourreaux des cœurs, même si ce n’est pas la raison principale de son exil volontaire. Ses paroles suivantes sont assez étranges et je lui dis en lui souriant pour la rassurer :

J’ai beaucoup voyagé, et même arpenté dans d’autres contrées, j’ai vu des spectacles magnifiques, assister à de nombreux miracles de la nature à peine croyable, alors ne vous inquiétez pas.

Je la regarde droit dans les yeux et lui indique plus sérieusement :

Vous êtes encore une femme ravissante et loin d’être sénile, alors ne vous en faites pas, quoi que vous me disiez, je vous écouterai avec la plus grande attention et sans jugement.

Voilà, je m’installe confortablement, je me reprends d’ailleurs un peu de viande, appréciant son odeur fumé et je ne dis plus un mot, essayant, quoi qu’il arrive de garder l’esprit ouvert.

" - Si vous le dites."

Je viendrais récupérer ma viande, croquant à pleine dent, réfléchissant par où je pourrais commencer. Après tout, je ne prenais pas énormément de risque à lui raconter qui j'étais. Dans le pire des cas, il ne me croira pas et finira par oublier tout ce que j'ai dit, comme tous les autres. Avalant ma gorgée, je finirais par lui expliquer.

" - Voyez-vous, il fut une époque où j'étais une légende dans ce pays. L'entièreté des Vigesciens me connaissaient, j'étais née pour être une leadeuse et pour me battre. Dans ma vie, je n'avais jamais perdu le moindre combat ni le moindre affrontement. A moi seule, j'avais réussi à réunir les clans en conflits pour anéantir des invasions de créatures, j'ai réussi à empêcher une rébellion de masse avec seulement quelques compagnons. Mon nom circulait dans tout le pays, on a construit des statues à mon image pour remercier ma bravoure et ma puissance..."

Je laissais une petite pause dans mon explication, soupirant un grand coup, comme pour préparer au désarroi de la suite.

" - J'étais si puissante... et malheureusement pour moi, je suis devenu encore plus puissante. A ce stade, on pourrait même parler d'invincibilité tant personne n'était capable de m'atteindre, mais cela m'a couté très cher. Peu à peu, tout le monde a finit par oublier qui j'étais, pas à cause du temps qui passe mais plutôt à cause d'une force extérieur. J'ai fini par être banni de tous, sans que personne ne se souvienne de qui j'étais, de tous mes exploits. Mon épopée qui avait tant durée avait finit par cesser de manière très brutale."

Comme je lui avais promis, je l’écoute jusqu’au bout sans l’interrompre. Mon interlocutrice me raconte son histoire et elle a l’air sincère, c’est un véritable drama qu'elle a enduré et je suis même triste pour elle. Je lui indique, une fois son récit terminé, osant lui prendre une main pour la réconforter :

Je suis désolé pour ce qui est arrivé, dans mon pays, il existe des anciens récits, même si je n’ai pas une bonne mémoire, je me souviens que les prêtres parlent des ténèbres de l’Ancien Monde et que la Déesse a dû les chasser de notre territoire.

Ils m’avaient enseigné bien d’autre chose, mais je ne suis pas très doué pour me remémorer des choses du passé, je continue donc :

Vous avez peut-être été victime de ses ténèbres, c’est dommage que vous fûtes Vigescienne, car si vous étiez né dans mon pays, vous seriez devenu Impératrice.

C’est la difficulté, il faut être Kaiming De Ren pour être protégé, c’est pourquoi les étrangers sont interdits d’accès dans les zones centrales de la capitale. Ne voulant pas me montrer invasif, j’enlève ma main de la sienne et je lui dis très sérieusement :

Dans tous les cas, je vous crois, vous êtes toujours une puissante guerrière, cela se voit immédiatement et tout ceux qui vous croit folle ou sénile, sont des idiots.

Etrangement, l'homme face à moi semblait me croire. Était-il simplement très empathique ou alors un peu simplet ? Si j'avais été une mauvaise personne, j'aurais pu l'embarquer dans des choses qui l'auraient complètement dépassé. Une histoire comme la mienne, elle aurait de grande chance d'être un mensonge, c'était un risque pour lui de penser qu'elle était réelle.

" - La puissance d'un guerrier ne vient pas de sa capacité à manier ses armes, mais surtout de la capacité à être un bon leader. Je l'ai été autrefois, mais il faut voir la vérité en face : je ne suis plus que l'ombre de celle que j'ai été. En Vigescie, nous sommes pour la plupart des guerriers hors pairs ; pourquoi faudrait-il croire l'un d'eux sur parole quand il affirme des choses aussi incroyables mais surtout aussi lointaines ? Si j'avais été eux, j'aurais également eu du mal à croire de telles affirmations."

J'aurais même certainement rigolé face à de telles choses. La personne que j'étais dans le passé, elle était exactement ce que je redoute aujourd'hui. C'est à cause de ça qu'aujourd'hui j'ai toujours du mal à accorder ma confiance. C'est la faute aux gens comme eux, c'est la faute aux gens comme moi.

Je ne peux qu’acquiescer aux paroles empreint de sagesse de la guerrière qui me fait face, mais quand elle indique que les gens de son peuple ont raison de se méfier d’elle, je lui réponds :

Je ne sais pas si vous êtes religieux dans votre contrée, mais dans l’Empire, nous vénérons une Déesse, nous croyons en sa puissance, craignons ses malédictions et considérons qu’il existe des Ténèbres sur les autres continents, alors je ne vois pas pourquoi je ne vous croirais pas.

Je mange encore un peu de nourriture puis je réprime un bâillement, ma course à travers le désert m’a complètement épuisé, toutefois, il me reste encore une question :

Pour moi, vous êtes encore jeune, je ne sais pas si cette force extérieure vous a donné en retour l’immortalité, mais j’aimerais savoir ce que vous comptez faire maintenant. Peut-être que les gens de mon pays pourraient vous aider ?

Elle a en effet plusieurs choix, elle peut rester dans le désert à se morfondre ou chercher une solution. Pour ma part, je ne vais pas tarder à m’endormir alors, après avoir entendu sa réponse, je lui demande :

Puis-je me reposer un peu ? La journée a été très agitée.