Chroniques des Quatre #1 - Voyage sur les brumes

Anima est une terre pleine de surprises, de défis et de conflits.

Le Kaiming De Ren, peuple de l'Empire Nuwa, est sur le pied de guerre depuis le meurtre de sa précédente impératrice il y a six ans, alors seulement âgée de 19 ans. Sa remplaçante Woo Li, d’un naturel plus guerrier, semble s’être donnée comme mission d’unir le monde autour d’une seule et même bannière. Belliqueuse, elle travaille depuis son couronnement autour d'un sujet épineux et source de conflit avec le Royaume Austral voisin : celui de Naporia, et de ses bateaux volants.

Le Royaume Austral, quant à lui, entame un roulement compliqué de son économie. Accusant depuis maintenant quatre ans le coup de l’affront intellectuel de voir leur voisine, la cité autonome de Naporia ayant récemment réinventé le transport grâce à son bateau volant, ils semblent bien décidés à redoubler d’efforts pour rattraper leur retard technologique, notamment grâce à de nouvelles armes dont on dit qu’elles seraient potentiellement de source chancreuse. Les firmes australes, quant à elles, luttent pour retrouver leur hégémonie commerciale : si elles ont, comme l'Empire et les Clans Vigesciens, réussi depuis plus de deux ans à créer leurs propres bateaux volants, ceux-ci sont si peu fiables et de moindre facture que leurs temps de voyage sont doublés.

De leur côté, les Clans Vigesciens tentent tant bien que mal de retrouver leur place dans un monde qui ne veut toujours pas d’eux. Sous cette pression, une minorité de la population semble retourner sa veste et rejoindre le Zarath, ces extrémistes convaincus à tort ou à raison que leur race représente le futur de l’humanité, dont on raconte qu’ils disposent de quelques camps cachés dans les forêts silkiennes et les montagnes Kaiming De Ren.

C’est au milieu de ce monde sur le pied de guerre que quatre inconnus voyagent à bord du petit navire dénommé « La Croisée », sur la voie maritime commerciale que l’on nomme « la route de l’Or Noir » et proche des forêts Silkiennes, reliant les rares ports Kaiming De Ren ouverts aux étrangers, les ports commerçants silkiens et Naporia aux zones d’approvisionnement en cristaux en provenance de Vigescie, le continent désertique.

Sur le bateau voguant sur les brumes, les gens s’activent, tirent sur des cordes, tournent des moulinets, déplacent des jeux de miroirs dans l’espoir d’optimiser au maximum la vitesse du navire. Une pluie fine tombe en ce début d’après-midi, et la plupart des marins portent des vêtements légers de cuir partiellement imperméables, tandis que les quelques passagers se retrouvent sur le pont principal, dans la salle destinée à la restauration.

A la tablée des passagers, où personne ne semble se connaître, le quartier-maître silkien, un homme à la barbe plus que fournie, prend la parole d'une voix tonitruante.

« On va bientôt se séparer, mais alors même qu'on partage le couvert, je ne connais aucun d'entre vous. » Il hausse les sourcils en regardant chacun de ses convives, comme pour les inviter à parler. « Et donc ... ? », s'enquiert l'homme, décontenancé par leur manque de verbe.

Une première soupire, puis se lance sous l'insistance du Quartier-Maître qui, tout le long du voyage, n'avait été rien d'autre qu'agréable et empathique. « Wenqian Su-Lien », fait la jeune métis aux cheveux bruns, aux airs mi-Kaiming De Ren mi-Silkiens. « Je suis Naporienne, si ça n'était pas évident. »

« Rilkia », se contente la Vigescienne d'une trentaine d'années à la carrure suffisamment imposante pour intimider un ours, tant en largeur qu'en hauteur. Elle est acccueillie par quelques sourires forcés, mais ne le releva pas. Peu étaient ceux qui se plaisaient à voyager en compagnie de l'un des siens, et Rilkia ne faisait évidemment pas exception.

« Kernom Varnell », lance finalement un silkien de la tablée, le chapeau surplombé d'une paire de lunettes et des rouflaquettes aux reflets roux sur les côtés du visage. « Fier citoyen du Royaume Austral, et explorateur en herbe. Ravi de tous faire votre connaissance. Et vous êtes ... ? », s'enquiert-il en observant son voisin de gauche, un homme du Kaiming De Ren d'une vingtaine d'années à l'air morne et froid.

« Non », répond froidement son voisin sans même lui jeter un regard, avant de boire une gorgée d'eau.

« ... C'est votre prénom ? », interroge la dernière silkienne autour de la table.

« ... Non. »

« Ah ... Ahem. Eh bien, puisque c'est mon tour, je suis Elise », s'exclama la jeune beauté aux long cheveux blonds et bouclés, dont le sourire, bien que gêné, semble charmer bon nombre d'hommes dans la cabine, à en juger par le nombre de tâches roses sur leurs joues. « C'est la première fois que je voyage en bateau, et je suis ravie également de tous vous rencontrer. » Douce et amicale, elle vient taper sa chope contre celle, à la surprise générale, de la vigescienne. Rilkia, les sourcils haussés de surprise, hoche la tête et boit une gorgée. « Nous avons tous beaucoup à apprendre les uns des autres. »

« Comment manger en silence, par exemple », marmonne l'homme impérial en mangeant sa pitance.

« Eh bien, au moins maintenant nous savons qu'il connait plus qu'un seul mot », sourit le Quartier-Maître, à l'adresse du reste de ses convives.

Le capitaine se joint finalement à eux, et s’assied à côté du quartier-maître. Il semble avoir un peu abusé de la bouteille, et décide de ne pas s’arrêter là alors qu’il se sert un verre de vin depuis la cruche au centre de la table, laissant se renverser une certaine partie à ses pieds et sur ses chaussures avant de lâcher un ricanement sonore.

Soudain, alors que tous sont en train de manger et boire tranquillement, à discuter de tout et de rien, un matelot fait irruption en claquant la porte, vous laissant entendre le tonnerre qui gronde au dehors et quelques vents violents, couplés à la pluie qui tombe lourdement sur le pont.

Le capitaine s’écrie alors, non sans avoir l'alcool dans la voix : « Qu’est-ce qu’il y a ?! Une tempête ?! » Et le matelot de lui répondre : « Pire Capitaine, une patrouille Nuwa ! Ils nous demandent de nous arrêter ! » Le capitaine se lève d’un bond, glisse sur la flaque de vin, se cogne l’arrière de la tête, et perd connaissance au sol, sous l'affolement général.

« Je ne comprends pas », débute Elise, moins affolée, tout comme Kernom, que le reste de la tablée. « En quoi est-ce un problème qu'on nous inspecte ? »

Le Quartier-Maître jappe des ordres à ses matelots avant de s'avancer vers un tapis qu'il soulève pour faire apparaître une trappe de contrebandier, y guidant certains des voyageurs. « C'en est un quand la moitié des voyageurs n'ont pas d'autorisations. Et une partie de la cargaison non plus ... »