Voilà ce que j’appelle voyager ! Au début, j’avoue avoir été septique quand on m’avait parlé de louer un cochon géant pour tirer notre caravane, mais finalement, c’était une excellente idée. Cette bête est tout simplement phénoménale tirant sans effort apparent le lourd équipage et en plus, produit du lait. Il faut dire que l’on m’a dit que le désert est un milieu hostile et qu’il fallait m’équiper en conséquence.

J’ai donc pris trois hommes et deux femmes parmi les plus robustes parmi mes membres d’équipage, de la nourriture, de l’eau et du vin en grandes quantités. Il faut juste que que je reste discret sur mes origines, ne voulant pas, comme on me l’a conseillé, ébruiter le fait que je sois un prince. J’ai troqué mes habituels vêtements chauds par une tenue du désert, prenant bien soin à me couvrir la tête pour éviter toute insolation, car même si je suis bronzé grâce à mes nombreux voyages en bateau volant, là c’est d’un tout autre niveau.

Le paysage est tout à fait impressionnant avec devant nous le désert et derrière nous, d’autres chariots, tirés par d'autres animaux exotiques. Mais ce n’est que le début de notre expédition, car quitter le Royaume ne peut se faire sans quelques formalités et laissant ma petite troupe dans le chariot, chargé de protéger mes affaires dont un coffre précieux, je rejoins l’homme en charge de ma protection Kuruk Zéphyr.

Une fois à son niveau, je lui demande à voix basse :

En quoi consiste cette inspection ? Ils doivent vérifier que nous ne sommes pas recherchés dans le Royaume ?

Ce serait tout à fait logique, l’Empire fait exactement la même chose, concernant les personnes voulant quitter son territoire, ce serait dommage qu’une personne ayant manqué de respect à la Déesse puisse partir en toute impunité.

Près de neuf ans s'étaient écoulés depuis son premier voyage en Vigescie. Il s'en souvenait comme si c'était hier des difficultés du voyage. De la pluie glaçant les os. De la gadoue souillant les tenues et bottes. De l'inconfort de dormir à la belle étoile quand il était impossible d'avoir un toit au-dessus de sa tête. De l'attention constante portée à la végétation pour ne pas se faire avoir. De la douleur et de la fièvre que l'attaque que lui avait apporté au visage une plante silkienne. Le petit silkien aurait pu en mourir s'il n'avais pas été accompagné par son frère Farrell, plus habitué aux risques de la végétation silkienne, puis soigné par sa chère amie Lyudmilla.

Après son rétablissement, les deux frères Kunviel s'étaient joints à une caravanes dans l'une des villes-frontières du Royaume Austral proche du désert. Leur objectif final était Armasdem. Qu'ils avaient atteints grâce aux talents d'un guide Vigescien répondant au nom de T'Evilan. Non sans avoir subi une attaque par une nuit glaciale. Ce voyage lui avait beaucoup apporté, bien plus que ses déplacements entre l'Empire Nuwa et le Royaume Austral, Erlann pouvait le jurer sur Doseus, dieu de la vérité.

Sa présence dans l'expédition doit beaucoup à son amitié avec la guérisseuse Lyudmilla à qui il avait promis de l'accompagner dans une telle aventure deux ans auparavant. Le projet de sa chère amie est désormais une réalité, en partie, grâce à son aisance financière. Il se réjouit également de la perspective de revoir à Armasdem son frère Farrell Kunviel mais en son fort intérieur, il espère que ce voyage lui apportera les lumières dont il a besoin. Des lumières qui lui semble le déserter.

Autour de lui, il comprend les inquiétudes au sujet de la taille inhabituelle de la caravane. Elle risque d'être lente et d'attirer les créatures du désert sur elle. Il y a de fortes chances que certains franchissent la Porte d'Origin avant la fin du voyage. Mais, il n'y a guère le choix avec les tempêtes qui interdisent le passage aérien aux bateaux volants. Les scènes qui s'offrent à lui sont familières, lui rappellent son premier voyage. C'est de bon coeur qu'il propose ce qu'il peut partager. Des histoires essentiellement.

Ce qui attire son attention, c'est le comportement d'un guerrier vigescien qui semble expérimenté à en juger par les cicatrices. Qu'est ce qui peut bien le pousser à les regarder et à détourner le regard quand les leurs se portent sur lui ? A-t-il quelque chose à partager ?

Ma chère amie, je me demande bien ce qui le tracasse pour nous fixer ainsi., s'adresse-t-il dans un souffle à celle qui lui avait autrefois sauvé la vie. Il ne se garderait pas bien longtemps d'interroger le vigescien si le manège continuait.

Deux ans... Deux longues années de préparation l'avait amené à cet endroit. Lyudmilla avait travaillé d'arrache-pied pour rendre cette expédition en Vigescie réalité. Elle avait vendu tout son élevage afin de partir vers le désert, avait fait appel à tous ses contacts, et maintenant, elle se trouvait entourée de gens en qui elle avait confiance, étranger comme ami. Parmi la deuxième catégorie se trouvait son cher ami Erlann, qui lui avait été d'une aide précieuse pour réaliser ce rêve qu'elle avait partagé avec lui deux ans plus tôt. Bien qu'elle savait le désert Vigescien dangereux, elle lui serait éternellement reconnaissante pour cette opportunité. Le Chancre avait longtemps été une source de souci pour l'alchimiste et elle rêvait d'un jour trouver un remède contre cette affliction. Peut-être que les réponses à ses questions se trouveraient en Vigescie, mais Lyudmilla restait réaliste. Son but primaire était de connaître la culture et les merveilles de la Vigescie. Si ses habitants étaient prêts ensuite à lui partager leur savoir, elle en serait d'autant plus heureuse.

L'autre personne qui l'accompagnait était nul autre que Stefan Ragnhildr, une mercenaire qu'elle avait croisé sur la route il y a longtemps. Comme bien des gens, elle l'avait sauvé d'une mauvaise blessure qui aurait pu l'envoyer prématurémment aux portes d'Origin. Les deux s'étaient ensuite accompagné pour un temps et étaient devenus amis sur la route. Lyudmilla avait tout de suite pensé à lui lorsqu'elle cherchait des guerriers compétents pour son voyage. Stefan avait accepté l'occasion de voyager à nouveau avec son amie avec plaisir. Entourée de ces deux hommes, Lyudmilla se sentait d'autant plus à l'aise d'entreprendre ce périple, et avec l'aide de leurs guides Vigesciens, l'alchimiste n'avait aucun doute qu'ils se rendraient à Armasdem sains et saufs.

Mais le désert Vigescien n'avait rien de comparable aux forêt de Terranova. L'air était aride et chaud et il lui avait été déconseillé de porter son masque lors de leur traversée. Lyudmilla n'avait pas l'habitude de se promener avec autant de gens avec son visage à découvert et le principe la rendait plutôt anxieuse de son apparence. Ses cicatrices étaient très visibles et profondes, même après autant de temps, et nombreux étaient ceux qui n'arrivaient pas à les supporter. Elle fit son possible, néanmoins, de garder son visage dissimulé sous une capuche qui la protégerait du soleil. Cependant, elle pouvait déjà sentir le regard d'un de leurs partenaires de voyage sur elle. Regard dont Erlann avait pris note également.

- N'y prête pas attention Erlann. Je suis certaine que c'est rien...

Elle reserre son foulard autour de son cou, le montant par dessus sa bouche pour cacher encore plus son visage. Ça ne cacherait pas toutes ses marques, encore moins son oeil manquant, mais peut-être serait-ce assez pour éviter les regards dégoûtés des autres voyageurs.

Zéphyr se tenait à l'avant de la caravane. Presque pas habillé, seule son épaulière et un pagne le protégeaient, il se sentait mieux ainsi, en réel guerrier vigescien, une peinture de guerre signifiant son appartenance au clan Sarkha ornait son dos. Il guidait le jabal, un travail que certains considéraient comme harassant et de petite main, surtout pour un guerrier tel que lui. Pourtant Kuruk aimait cela, il se remémorait son enfance. Sauf qu'il lui était impossible de se laisser aller. Pour deux raisons aussi importantes l'une que l'autre.

La première était la dangerosité de cette proclamée Expédition. Le clan Xorn le savait, il avait croisé leurs regards. Il y lisait crainte, appréhension, questionnements. Pour Kuruk, leur décision de guider l'entièreté de cette caravane était au mieux absurde, au pire suspecte. Pourquoi risquer leur vie pour des étrangers ? Pour Kuruk, moins de la moitié de la caravane arriverait à Armasdem. Il avait déjà prévenu ses compagnons. Pire, Woo-Jie serait certainement la première cible à la fois de bandits, des autres membres de la caravane, mais aussi des créatures puisqu'il disposait de nombreuses provisions. Jamais Kuruk ne se serait embarqué dans ce piège s'il n'avait pas été missionné. Aussi, son esprit pensait déjà aux manœuvres qu'il devrait mettre en place pour mener à bien son objectif. Il divisait donc son esprit entre l'hypervigilance nécessaire au désert qui approchait, comme une deuxième nature pour lui, et ses plans.

La deuxième raison était un inconfort terrible. Le soleil lui brûlait les yeux. Il portait déjà un cache oeil pour son oeil gauche, histoire de le reposer. Mais il tentait aussi de fermer son oeil droit le plus possible, laissant le ballottement du jabal le porter et ses compagnons faire office de yeux. Il aurait tellement préféré voyager la nuit. A son avis, cela aurait été bien plus sécuritaire, malgré les créatures nocturnes du désert, au moins ils pourraient être plus discrets.

Ils approchaient de la frontière - il le savait car il entendait les silkiens d'ici- quand il entendit un pas différent des vigesciens à ses côtés, le nuwa très certainement. Ces nuwas se déplaçaient différemment se dit-il, il pensait notamment à Mei-Lin et son pas léger mais déterminé à la fois.

Dans le désert, sauvegarder sa salive était nécessaire, mais après tout, ils n'y étaient pas encore. Et c'était son employeur.

"Ils peuvent aussi vérifier nos marchandises. Les silkiens ne voudraient pas voir un criminel ou un trésor s'échapper de leurs terres. Contrôler les frontières leur permet de surveiller tout mouvement entre nos deux Nations. Les silkiens ne font pas confiance aux Vigesciens, ils se sentent menacés. Par exemple, vous Woo-Jie, pour eux, vous êtes un mouvement suspect."

Il descendit prestement de son animal, prêt pour l'inspection.

Contrairement à la crainte de Zéphyr, l’inspection se passe très bien, à part une fouille en règle de mes affaires, mais comme ils ne trouvent pas le coffre (soigneusement caché), cela ne me pose pas de problème. Mes cinq membres d’équipages ont tôt fait de tout remettre en ordre et je peux ainsi assister au curieux échange entre les trois Vigesciens, qui me rend un peu dubitatif, j’attends donc qu’ils soient éloigné avant de demander au garde du corps :

Ce sont des amis à vous ?

J’attends sa réponse, puis en passant sous l’arche, je suis impressionné par ce que le peuple du désert a pu réaliser et je l’interroge sur une idée que je viens d'avoir :

J’ai entendu que dans le désert, pour survivre, il faut partager, je comptais, lors de la halte pour la nuit, faire le tour des feux de camps, un par soir, pour manger avec eux et leur offrir une portion de nourriture, qu’en pensez-vous ?

Après tout, nous sommes tous dans le même bateau, alors autant essayer de s’en faire des amis, j’ai plus de provision qu’il n’en faut. Après les gens vont peut-être penser que j’ai beaucoup de bien, mais de toute façon, avec le cochon géant que je me trimballe, je ne risquais guère de passer inaperçu.

En passant sous l’arche, je suis impressionné par ce que le peuple du désert a pu réaliser.

L'interpellation fut aussi brève qu'humiliante. Au lieu de le prendre pour un des leurs, ils étaient méfiants et le mettaient en garde, l'infantilisaient.
Ces deux vigesciens étaient stupides, comment pouvaient-ils avoir plus peur d'un vigescien qu'à des centaines d'étrangers. Personne ne tenait Kuruk à l'oeil. Son poitrail se souleva ostensiblement de colère et ses lèvres se retroussèrent sur ses crocs. Mais il encaissa et fit preuve de sagesse.

"Xorn, n'ayez rien à craindre. Vous aurez besoin de nous."

Après tut les Sarkha étaient des spécialistes du désert, du désert dans les pires conditions. Il avala sa fierté, pour prouver à ces vigesciens qu'ils pouvaient compter sur lui. Il soupira lorsque le nuwa lui demanda si c'était ses amis. Il aurait aimé que les peuples vigesciens vivent comme des amis. Mais visiblement, ce n'était pas encore le cas.

"Je l'espère. Ce sont nos guides, ils doivent donc être comme nos amis."

Au bout d'un silence, il ajouta, comme pour se traduire.

"Mais non, je ne les connais pas. Seulement leur clan. Et ils connaissent le mien de nom, grâce à ça."

Il montra tapota le bas de son dos pour désigner son dos en entier, n'étant pas très souple. L'arche lui donna les frissons comme à son habitude, ce symbole de la puissance ancienne des vigesciens. Son émotion fut interrompue par les réflexions intérieures du nuwa. Il réfléchit, et comprit que cela pourrait être une bonne idée. La générosité de ce noble pouvait les servir.

"Vous pourriez vous faire des amis, autant que des ennemis. Enfin... si vous avez des ennemis ici, ils se déclareront sans cela, nous sommes suffisamment voyants. Avez-vous déjà participé à un feu ?"

Plus l'équipée de silkien s'approchaient de la porte, au rythme des autorisations accordées par les gardes austraux, plus le discours mécaniquement répété par le crieur public se faisait audible.  Erlann  comprit que cet homme recherché était l'objectif avoué des fouilles et releva, en même temps, l'absence d'énoncé d'un crime quelconque. Seul son physique, sans la mention de l'âge apparent, de la couleur des yeux, et la prime pour la capture étaient mentionnés.  En revanche, il ne s'étonnait pas que l'appât du gain aiguisait les yeux et oreilles des voyageurs, l'argent avait cette curieuse qualité de les aiguiser et de les boucher à loisir.

Vive l'argent.

Lorsqu'il se présenta aux gardes austraux, il énonça son nom, prénom et indiqua vouloir rendre visite à son frère vivant à Armasdem. Le petit silkien s'agaça de l'attitude des gardes envers  sa chère amie Lyudmilla mais ne dit rien, les lèvres pincées de mécontentement. L'explorateur n'ignorait pas que son amie en avait entendu d'autres et ne se sentait pas ennuyée par ces propos. Mais quand même ! Il y avait de quoi se sentir agacé quand on l'avait connue avant sa défiguration.

Que le vigescien, qui lançait des coups d'œils fugitifs dans leurs direction, intervienne pour les remettre à leurs places avait de quoi mettre du baume au cœur. Après tout, les cicatrices étaient un signe de beauté pour les vigesciens... Attendez...  Ou est-ce ses pensées l'emmenait ?  Syphax aurait-t-elle frappé ?  Erlann se joignit les mains pour masquer un petit sourire plein de malice sur son visage. Son souhait d'il y a deux ans risquait de se réaliser plus tôt qu'il le croyait...

Lyudmilla guida les deux meuhzes qui tiraient sa caravane vers le point de contrôle où se trouvait les gardes et le crieur publique. Cette histoire de fugitif ainsi que la récompense reliée à sa capture ne fit rien pour éveiller l'intérêt de l'alchimiste. Ce n'était pas le genre de chose avec lesquelles elle se mêlait, mais elle se demandait bien ce que l'homme avait pu faire pour mériter l'attention de la garde australe. Sa curiosité s'évapora rapidement, cependant, lorsqu'elle arriva au niveau du point de contrôle.

Elle répondit aux questions des gardes et déclara toute la marchandise qu'elle transportait avec elle. Elle les laissa même examiner sa caravane. Elle n'avait rien à cacher après tout et elle se doutait qu'ils trouveraient quoique ce soit qui les intéresserait dans son humble maison. Pendant qu'ils finalisaient leur protocole, elle remarqua les petits commentaires qu'ils se faisaient à son sujet à voix base. Un soupir s'échappa de ses lèvres et elle caressa le plummage d'ombre de son compagnon Astaroth, fils de son défunt ami Abbadon, un corbeau d'une taille impressionante. Puis une voix s'éleva de la foule d'étrangers, le même Vigescien qui les avait regardé un peu plus tôt. Elle fut surprise qu'il vienne à sa défense. Très peu de gens avaient l'habitude de le faire à l'extérieur de son cercle restreint d'amis. Sa surprise la figea sur place un moment, et l'instant où elle ouvrit la bouche pour le remercier, il repartit aussi vite qu'il était arrivé. Elle le fixa encore un moment, comme sonnée par ce geste si simple.

- Qui était cet homme ?

Je suis rassuré par les paroles de Zéphyr qui m’indique que ses interlocuteurs sont bien des amis, même s’ils ne sont pas du même clan. J’avoue avoir toujours eu du mal à comprendre ce principe, ils vivent dans le même pays, ont les mêmes ancêtres, sont peu nombreux et pourtant, ils se mettent en plus petits groupes encore. Bien sûr, nous avons des familles qui peuvent ressembler de loin à ce genre de chose, mais nous nous mélangeons, faisons des alliances pour être plus fort.

Ici, c’est la défiance qui peut s’installer, même si je remarque que leurs peintures est assez impressionnante et fais très "guerrier". Il me pose ensuite une question que j’ai un peu de mal à comprendre :

Oui, à de nombreuses reprises, les voyages ne se passent pas toujours comme on le souhaite et il est parfois nécessaire de manger chaud et de se réchauffer.

Puis je me dis que sa remarque est peut-être plus compliquée que cela et je lui demande :

Pourquoi ? Les feux dans le désert sont différents ?

J’imagine que oui, même si je ne comprends pas pourquoi il s’agit peut-être d’une histoire de protection contre les monstres. Je sais que le continent grouille littéralement de bêtes plus dangereuses les unes que les autres, alors autant être prudent.

Kuruk remarqua que le nuwa semblait sceptique sur le terme ami mais il n'en dit pas plus. Cela pouvait être complexe à comprendre. Que les vigesciens ne semblaient pas si solidaires que cela. Il détestait l'image que cela renvoyait.

Sa question sembla être pour le moins ... incomprise au vu de la réponse à côté de la plaque de Woo-Jie. Sa question suivante montra son incompréhension. Un des compagnons de Kuruk qui devait tendre l'oreille à ce moment ne put s'empêcher de rire. Ou plutôt de se moquer.
D'habitude, Kuruk aurait simplement répondu par le silence à la bêtise, l'ignorance de ses moeurs, il n'avait pas le temps et n'était pas un grand pédagogue. Pourtant, dans cette situation, il devait bien faire l'effort.

"J'imagine que cela doit dépendre de certains feux. En Vigescie, les feux sont des moments de ... partage, de convivialité en quelque sorte. Pas seulement pour se réchauffer et manger chaud. Il peut y avoir ... de la musique, des danses... ce genre de choses. Vous semblez noble, je me demandais si vous aviez déjà participé à des moments populaires de ce genre."

Le compagnon qui s'était moqué se tut. Kuruk avait beaucoup parlé, de bonne volonté, ce qui semblait étonnant. Cependant pour le vigescien, c'était une question pour tâter le terrain. S'il devait accompagner son employeur lors d'un feu, il voulait savoir s'il en connaissait les us.

Ces fichus bâtards parler des cicatrices de sa chère amie ainsi ... ! Il aurait pu intervenir mais ce qu'avait fait le vigescien était satisfaisant. Qui était cet homme ? Que devait-t-il répondre à cette question de sa chère amie ? Erlann examina soigneusement ce qu'il pouvait dire, partager sans rendre trop évident son hypothèse sur ce qu'il se passait. Puis se réasséna, il n'avait qu'à évoquer la culture vigescienne, si particulière. Il desserra ses mains pour les ramener au niveau de ses hanches en revenant à la hauteur de la guérisseuse. Le silkien avait une différence de taille sans mauvais de jeu de mot avec son amie. Il était, en effet, contraint de lever la tête pour regarder le visage défiguré relativement masqué par un foulard.

Ma chère amie, ai-je déjà mentionné que dans la culture vigescienne, les cicatrices sont signes de beauté ? , embraya-t-il pour apporter un début de réponse.

Il n'insisterait pas plus sur la question, c'était au vigescien qu'il revenait de trouver le courage de se déclarer. L'explorateur laissa ensuite vagabonder son regard sur les Meuzhes qui tirait la demeure de la guérisseuse puis, sur l'horizon de sable coupée par la colonne de bête de somme et d'humains. Parler de culture vigescienne le ramenait à ce désert impitoyable qu'il avait déjà expérimenté, à la longue traversée semée d'embûches.

As-tu remarqué notre nombre ma chère amie ? Nous sommes trop nombreux pour une caravane normale. Nous allons inévitablement attirer l'attention des créatures du désert, et seuls les dieux savent qui arrivera au bout de ce voyage. Tes connaissances et remèdes seront précieux Lyudmilla.

Les yeux de Lyudmilla suivaient toujours son mystérieux sauveteur. Elle réfléchissait encore à la raison de son intervention. Que pouvait-il bien lui vouloir, se demandait-elle. Puis Erlann lui mentionne que les cicatrices en Vigescie ne sont pas mal vues et son attention se porte sur son ami. Elle le questionna du regard, incertaine sur ce qu'il essayait de lui dire.

- Un signe de beauté ? Hmmm...

Erlann ne pouvait possiblement pas insinuer que cet homme Vigescien la trouvait belle simplement parce qu'elle avait des cicatrices. D'autant plus qu'elle ne devait surement pas rentrer dans la barêmes de beauté Vigesciens. Certes elle était peut-être assez grande pour certains, mais elle n'avait pas une once de muscles sur son corps et elle était pâle comme un fantôme. En plus, elle était une étrangère, une étrangère qui n'était pas une Vigescienne. Pour beaucoup, ce simple fait ne les encouragerait pas à se lier à elle de quelconque façon.

Milla détourna son attention du Vigescien et se décida à porter son attention sur des choses plus importantes. Elle jetta un regard autour d'elle pour regarder les différentes caravanes et surtout, tous les gens qui les accompagnait. Erlann avait raison: ils étaient beaucoup plus nombreux qu'elle avait prédit. Leurs nombres étaient quelque peu inquiétants, mais Lyudmilla restait confiante néanmoins. Elle avait emmené tout ce qu'il lui fallait pour soigner à peu près n'importe quels maux. L'expédition était entre bonnes mains.

- Ta confiance en moi est très appréciée, Erlann. lui répondit-elle avec un sourire. Si je peux y faire quoi que ce soit, je m'assurerai qu'autant de monde possible puisse de rendre aux portes d'Armasdem.

La Vigescie n’était clairement pas une place où Stefan serait allé de lui-même. Dans sa vie, il avait voyagé beaucoup, il avait vu des choses qu’il n’aurait jamais pensé voir. Et à nouveau, on le menait vers l’inconnu, quelque chose qu’il ne connaissait pas et qui attirait sa curiosité. De plus, comment pouvait-il refuser cette opportunité alors qu’il s’agissait de Lyudmilla qui lui avait demandé. Après tout, l’homme lui devait la vie ; s’il pouvait l’aider dans l’une de ses quête personnelles, il allait le faire comme il pouvait pour l’assister. Autant elle l’avait sauvé qu’ils avaient voyagé ensemble par la suite, où ils avaient tissé un lien.

Tout ce voyage était important pour elle, elle l’avait prévu pendant si longtemps et le moment fatidique était enfin arrivé. Dans une grosse expédition comme celle-ci, dans un désert dangereux, il se doutait bien que le voyage n’allait pas rester doux et facile bien longtemps. Il ne parlait pas beaucoup, mais il suivait attentivement tous ce qu’il se passait. Il avait même remarqué que tout le monde, il avait remarqué l’attitude de cet homme.

Homme qui avait bien surpris Stefan en venant la défendre face à ces gardes qui se croyaient tout permis. Franchement, si cet homme qui lui semblait d’expérience n’était pas arrivé, il aurait pris sa défense ; ils n’avaient probablement pas la moindre idée de ce qu’ils parlaient. Au moins, le contrôle semblait bien. Stefan s’annonça, comme les autres, montrant ce qu’ils transportaient. Lorsque leur troisième ami parla de cette beauté présente chez les Vigesciens, un sourire franc apparut sur les lèvres du mercenaire.

“C’est une démonstration d’expérience et de force après tout.”

Une force qu’il supposait que très peu de gens avait. Elle était unique en son genre, une personne infiniment gentille et douce. Il en avait même été surpris au début, mais c’était plus naturel maintenant. Le sujet changea rapidement avec Erlann qui informa de ses inquiétudes. Stefan soupira, jeta un regard autours de lui.

“L’expédition est dangereuse, et il a raison de dire qu’on arrange rien avec le nombre qu’on est.” Il croisa les bras en remettant son attention sur ses deux interlocuteurs. “Mais cela pourrait tout aussi bien aller. On est là pour que tout se passe bien et que tu t’y rendes sans le moindre mal. Et si mal il y a, on a confiance en nos capacités respectives.”

Certes, tout indiquait que cela pouvait être dangereux, que ce soit le climat ou les créatures, en plus de clairement attirer l’attention par la taille de ces caravanes.

J’avais lu bien dans les récits qu’il faisait chaud dans le désert, mais je ne m’attendais pas à une telle fournaise, c’est bien simple, je n’ai jamais autant transpiré de ma vie. Heureusement que j’ai acheté des vêtements spéciaux pour cette expédition, sinon, je serais mort à cause de la chaleur au moins dix fois. Mais je suis quand même content, j’ai pu apercevoir des sortes de loup immenses et j’envie les natifs du désert, capable de se déplacer ainsi.

Quant à moi, je prends bien soin de m’hydrater, comme mes compagnons et grâce à notre cochon géant, nous avançons bien. Il y a juste des moments désagréables comme retirer le sable sous les roues de notre caravane, mais nous y arrivons, nous réfugiant juste après à l’abri du soleil. Pourtant, à un moment, je prends mon courage à deux mains et rejoins Kuruk qui guide le Jabal pour lui demander :

Est-ce qu’à un moment de la journée, il fait moins chaud ?

C’est peut-être une question idiote, mais je ne vois pas comment des êtres vivants peuvent survivre avec cette chaleur en permanence. J’écoute sa réponse attentivement avant de lui poser une nouvelle question :

Pourquoi on n’emprunte pas un autre chemin moins « sableux » ?

J’avoue être à court de vocabulaire, mais quand je vois un chemin qui me semble plus praticable, c’est de la folie de rester patauger ainsi.

Kuruk tanguait sur le jabal, il économisait salive et transpiration, mais aussi ses yeux pour ce trajet difficile. La brise presque imperceptible, la chaleur cuisante, l'odeur du sable, tout cela lui rappelait son enfance, il se sentait parfaitement à l'aise et n'avait même pas eu besoin de changer de vêtements. De toute manière il n'en avait guère. Il descendait néanmoins régulièrement pour aider à creuser plus rapidement.

Il leva un sourcil quand son employeur vint le voir. Et il descendit prestement de son jabal. Ses gros pieds firent un bruit mat en tombant. Un grand sourire sur son visage se transforma en un rire guttural. Il secoua la tête, le nuwa n'avait vraiment pas l'air à l'aise.

"Non, non. Il va falloir prendre patience. La nuit vous claquerez des dents et ce temps vous manquera ... Pour l'instant, vous pouvez boire pour ne pas vous déshydrater. Ou rester à l'ombre du jabal tant que vous pouvez."

Il se tenait à côté du nuwa, presque gêné. Bien évidemment il prendrait soin de son employeur. D'abord parce qu'il n'avait qu'une parole, ensuite parce qu'il voulait être dans ses bonnes grâces. Même si évidemment, il n'aimait pas les nuwas, il n'aimait pas cette expédition et il considérait que cela créerait des ennuis au peuple vigescien.

"Les chemins sont tassés car de nombreuses créatures passent dessus, des chancreux par exemple. Les dunes sont vierges et plus difficiles d'accès parce qu'elles sont moins empruntées. Si on veut survivre, le sable peut nous sauver."

Ses sourcils se fronçaient d'un air grave. Puis il s'adoucit.

"Vous voulez conduire le jabal ?"

Etablir une relation de confiance avec un étranger. C'était bizarre, mais il essayait.

Ce que Stefan mentionnait, était un autre aspect de la culture vigescienne sur les cicatrices. Il ne put  qu'agréer verbalement à son propos.

En effet, il y a de ça. Et de ces deux qualités, notre amie commune n'en manque pas. Pensez à vous couvrir le visage, et à boire régulièrement. 

La Vigescie, enfin !  Exactement tel  qu'elle l'était quand il l'avait traversée pour la première fois.  Erlann avait investi dans des vêtements légers et des étoffes de la même matière pour se couvrir le visage. S'étant vêtus des premiers,  Il s'enveloppa le visage des secondes pour se protéger du vent ardent, du soleil de plomb et du sable volatile. L'explorateur avait aussi prévu autant d'eau qu'il est possible d'emporter pour nourrir bêtes et hommes de leur modeste équipée.  Malgré ces précautions et son expérience, le désert restait éprouvant.

Il aurait adoré pouvoir profiter de l'ombre de la caravane de Lyudmilla mais le fait que les roues s'enlisaient à d'intervalle régulier le contraignait à descendre mettre ses bras à contribution. Le petit silkien suait  et buvait en essayant de se rationner ; il ignorait à quel distance se trouvait le point d'eau le plus proche. Seul leurs guides Xorn le savaient.

À une question hargneuse énoncée à voix haute d'un voyageur silkien lors d'un arrêt forcé pour dégager des roues du sable, l'explorateur expérimenté expliqua calmement la logique des guides sans chercher à crier (un gaspillage d'énergie évident) :

Les routes tassées signifient qu'elles sont régulièrement empruntées par des créatures que vous ne voudriez pas rencontrer même dans vos pires cauchemars. Cela reviendrait à vouloir se jeter dans la gueule d'un Chancreux si je puis faire cette comparaison.  

La Dame de Fer s'émerveilla devant le vaste désert qui s'étendait devant eux. C'était exactement comme elle l'avait imaginée et elle ne pouvait être plus ravise d'avoir pris la décision de partir à l'aventure en Vigescie. Même s'il faisait incroyablement chaud, même si le soleil l'aveuglait, elle ne regrettait pas d'avoir quitté Terranova.

Alors qu'on voyait les morceaux de vêtements tomber en même temps que la température grimpait, la seule personne qui restait couverte était l'alchimiste elle-même. Certes, ses vêtements étaient plus légers qu'elle en avait l'habitude, mais Lyudmilla était réticente à se dénuder devant autant de monde. Si elle avait à retirer des couches de vêtements, sa peau serait exposée et encore plus de ses cicatrices seraient visibles. Si une paire de gardes s'était permis de passer des commentaires sur sa personne alors qu'elle était couverte de la tête aux pieds, elle n'imaginait pas la réaction des autres si elle devait se dévêtir partiellement. De plus, les différents tissus qui la couvrait protégeaient également sa peau sensible du soleil.

Son erreur, par contre, fut de se vêtir totalement en noir. Lyudmilla n'avait pas d'autres couleurs dans sa garde-robe donc elle avait fait comme elle pouvait pour se couvrir. Mais la chaleur qui montait commençait à la faire sentir de plus en plus étourdie, malgré ses efforts pour se garder hydratée. Pendant qu'Erlann était occupé à dégager ses roues, elle sentit sa vision se brouiller et perdit l'équilibre. Elle trébucha dans le sable, son souffle difficile alors qu'elle étouffait dans la chaleur de son foulard.

- C'est... rien... tenta-t-elle d'assurer lorsqu'on vint la rejoindre, mais il était évident qu'elle était en train de surchauffer.

Ce qu'il avait entendu sur le désert n'était pas faux. Il y faisait une chaleur suffocante. Et si bien la vue était magnifique au premier abord, il y avait ce léger sentiment d'impuissance face à ce sable à perte de vue. Que le sable et le ciel à perte de vue. Ça resterait une vue qu'il n'oublierait jamais, il en était certain. Surtout que la chaleur accablante et la force du soleil n'aidaient pas à apprécier le moment. Il retira quelques couches de vêtement. Il imita le voyageur à ses cotés ; il semblait bien plus à l'aise que lui. De plus, pour se protéger su sable et du soleil, ce n'était que logique.

Sachant qu'en plus, ils devaient dégager la caravane régulièrement. Rien n'était fait pour un voyage facile.

- Plus difficile d'accès, mais moins probable de rencontrer un groupe de créature qu'en passant par leur chemin tout fait. Pas impossible, par contre, on le sait tous.

Ils continuaient à dégager la caravane et s'enfoncer, où il n'y avait plus de repaires. Il ne dirigeait pas, mais si quelqu'un se perdait et trainait, il serait perdu seul dans ce désert bien rapidement, sans pouvoir se retrouver. C'était important de se regarder et se soutenir, et c'est pourquoi il se retrouva aux côtés de Lyudmilla dès qu'elle tomba.

- J'imagine que tu n'es pas à l'aise de retirer quelques couches, mais ton état est inquiétant Lyudmilla. Il lui tendit une gourde d'eau, pour qu'elle puisse s'hydrater, en lui offrant un appui pour se relever. Ou je ne saurais pas trop ce qui pourrait te soulager. Restes à l'ombre comme tu peux Il était difficile de l'isoler complètement, la chaleur était partout et le soleil était perçant.

L’armoire à glace sur patte descend du cochon géant pour répondre à mes questions et je suis plutôt content quand il m’annonce que la température va baisser la nuit. Nous avons pas mal de couverture dans le chariot et au début, je pensais que c’était pour servir de matelas, mais finalement, ils seront utiles différemment. Dans tous les cas, je hoche la tête à ses paroles, car je compte bien respecter ses consignes le plus scrupuleusement possible.

Quand il me parle du chemin, je ne peux m’empêcher d’être surpris :

Il reste encore des chancreux qui se baladent ? Je pensais qu’ils avaient tous été exterminés au fur et à mesure du temps. Vu le nombre que nous sommes, on ne devrait pas craindre grand-chose.

Si des sortes de loups nous attaquent, on doit pouvoir se défendre assez facilement. Après tout, l’Empire Nuwa était avant installé sur un continent sauvage et grâce à la protection de la Déesse, nous avons réussi à le domestiquer, je suis sûr qu’ils pourraient en faire autant. Quand il me propose de conduire le jabal, je le regarde avec de grands yeux et je lui dis d’une voix enthousiaste :

C’est une excellente idée !

Je le laisse donc me guider pour monter sur la bête, avec un peu d’entraînement, je suis sûr que je pourrais devenir un véritable habitant du désert !

Autant la naïveté du nuwa avait pu le faire rire... autant cela frôlait désormais la bêtise ou l'arrogance et cela énervait Kuruk qui redevint sérieux. Dans quel tour d'argent avait-il été toute sa vie ? Les chancreux étaient une menace pour tout Anima, et surtout en Vigescie. Mais ils existaient toujours dans les campagnes Kaiming de Ren...
Le nombre de membres de l'expédition était ... un gage de mort plus qu'un gage de protection. 90% des gens n'avaient aucune idée de ce qu'était un chancreux et de sa puissance. Leur ignorance les tuerait. Et lui ... au lieu de sauver sa peau et les siens... il devrait protéger un nuwa dont l'arrogance touchait l'inconscience...

"Les chancreux sont partout, difficile de les exterminer. Et notre nombre ne nous protégera pas au contraire. Nous sommes une cible facile."

Il lui souhaitait réellement d'en croiser un jour. Ce n'était pas de la cruauté, au moins son arrogance s'effacerait. Il avait l'air sombre. Mais il se reprit intérieurement, il devait rester professionnel. Il carra les épaules.

"Bon, pour monter, il vous faudra quelques compétences acrobatiques, vous voyez cette corde ? Accrochez vous-y, grimpez et utilisez vos pieds, vous pouvez utiliser les étriers."

Ces étriers, les vigesciens n'en avaient pas besoin, ils montaient par la simple corde, mais c'était utile pour les étrangers. Il aurait pu lui faire la courte échelle mais il ne s'abaisserait pas. Sa fierté l'en empêchait. Par contre, il se mit derrière le nuwa pour le rattraper au cas-où.

Terminant d'arguer avec le voyageur qui rouspétait après les choix des guides, il essuya son front et releva le tissu dont il s'était enroulé pour réduire la surface de exposée. L'explorateur n'avait rien à redire à ce qu'avait ajouté le mercenaire. Il ne faisait que compléter l'information et enfoncer le clou pour les plus têtus.  En revanche, l'état de Lyudmilla attira son attention, elle, qui paraissait d'habitude solide, semblait plus souffrir de la chaleur.

Par Doseus !

Ce n'est pas rien. C'est le désert.

Le mercenaire offrait pile ce dont sa chère amie avait besoin de l'eau, le conseil de se dévêtir et de profiter de l'ombre. Que pouvait-t-il faire d'autre ? Prendre les rênes de la caravane pendant qu'elle se mettait à l'ombre ? Lui trouver des vêtements d'une autre couleur qui lui irait  en s'adressant aux autres voyageurs ?

On peut difficilement faire plus que ce que tu lui a déjà offert et conseillé Stefan. Bois à petite gorgée chère amie. Je sais que tu n'aimes guère exposer tes cicatrices, mais c'est mieux que d'étouffer dans une couche de vêtements. Repose-toi comme tu le peux. Je vais prendre les rênes de la caravane. La nuit apportera de la fraîcheur et tu pourras remettre tes vêtements. Il fait très froid à la nuit tombée.  

La nuit serait porteuse de soulagement pour les voyageurs qui n'auraient pas commis l'erreur d'oublier des vêtements chauds. De ce qu'il en savait, certains clans se déplaçaient de nuit et se dirigeait grâce à la voûte céleste.

Les soirées devant le feu dans le désert sont parmi les meilleures  que j'ai vécu de ma vie.

Milla avait toujours admiré la compréhension de Stefan. Elle lui avait fait un brève présentation de ce qui lui était arrivé lorsqu’ils s’étaient rencontrés et il avait toujours été respectueux de son intimité. Comme Erlann, il n’était pas aveugle à comment les autres la traitaient et il ne voulait pas la pousser vers des actions qui la rendraient inconfortable. Mais Milla savait très bien ce qui se passait et avec n’importe qui à sa place, elle lui aurait tout de suite dit d’enlever des couches de vêtements pour se refroidir. Aux conseils de ses deux compagnons de voyage, elle acquiesça et se mit à l’ombre pour se cacher comme elle pouvait du soleil, mais après un moment de réflexion, elle se risqua à enlever quelques étoffes de sa personne.

Contrairement à Erlann, Stefan n’avait jamais été exposé aux marques qui lui avaient été infligées sur le reste de son corps. Lorsqu’elle déroula un long bout de tissu de son corps, on vit apparaître une peau blanche comme la neige parsemée de cicatrices de mutilations de tout genre. Lacérations, coups de fouet et brûlures, on retrouvait de tout. L’alchimiste se décida également à retirer ses gants, révélant qu’il lui manquait également son annuaire gauche. Lyudmilla se sentit à la fois mieux et à vif. Bien que son corps restait encore caché par ses vêtements, elle se sentait beaucoup trop exposée. Elle fixa les deux hommes qui l’accompagnaient d’un air angoissé pendant quelques secondes, puis elle retrouva rapidement son expression sereine, ans doute forcée pour ne pas les inquiéter davantage.

- Merci de votre soucis, mes amis, mais vous ne dvez pas vous en faire pour moi.