A l'abri des regards [15/08/2021]

Cela faisait toujours une étrange impression pour Kuruk de revenir à Naporia. Il s'y sentait chez lui et étranger à la fois. Ces 5 années de vie dans la ville avaient été riches d'enseignement. Il était passé voir la seule femme avec qui il avait vécu une relation sérieuse. Elle s'était remise avec un vigescien naporien, il en était heureux pour elle et son ventre arrondi.

Il pensait à son propre avenir, focalisé sur ses ambitions pour sa patrie. C'était pour cela, parce qu'il faisait confiance en Asifa et qu'il continuait de jouer le facteur pour le Zarath. Il devait encore une fois rencontrer Mei-Lin pour lui remettre une missive, en main propre et à l'abri des regards. Cette mission était de loin l'une des plus ennuyantes. Mais il se convainquait qu'elle était aussi importante que les autres. Malgré la compagnie de cette nuwa fourbe et faible.
Au moins, ils avaient rendez-vous la nuit, il ne subissait donc pas les affres du soleil.

Le temps était froid, une fine pluie tombait. C'était une nuit naporienne de mélancolys habituelle. Pour tenter de passer inaperçu, il avait enfilé une immense cape, cachant son visage marqué et ses crocs par une capuche. Ses pieds étaient couverts par des sandales naporiennes qu'il haïssait. Il avait hâte de les enlever. Elles s'enfonçaient dans la boue et cela le gênait.

Kuruk était donc d'humeur sombre. Il tourna sur la rue déserte, dans une sorte d'impasse à détritus, le point de rendez-vous. Mais, ne voyant pas Mei-Lin, il fronça les sourcils, tourna sa tête des deux côtés. Avait-il mal compris les instructions ?

Naporia. S'il avait existé une liste de villes triées par mon ordre de préférence, sans doute serait-elle en bas de liste. Ici, nulle question d'ordre ou de civilité : le chaos et le banditisme faisaient rages. Pour autant, il s'agissait également du lieu de prédilection pour qui souhaitait faire des rencontres sans qu'on n'en connaisse la teneur ; et telle était la raison de ma visite.

En retard, comme souvent, je traversais sous un ciel étoilé les ruelles du quartier des plaisirs, quittant enfin la sécurité des grandes avenues pour emprunter une rue déserte ... si ce n'était un vigescien encapuchonné au visage dissimulé dont, bien malheureusement, je commençais à reconnaître la carrure. Habillée moi-même d'une tenue de roturière, je partageais avec mon contact du Zarath le même type de cape et capuche fait de cuir simple et bon marché.

« Vous voilà », fis-je simplement, sans me dévoiler, afin qu'il puisse reconnaître ma voix. « J'espère que vous n'avez pas été suivi. »

Décidément, la ponctualité n'était jamais son fort. Kuruk le savait, il s'en agaçait à chaque fois. Non seulement la compagnie de Mei-Lin n'était pas des plus agréables mais elle faisait en sorte de réunir des conditions inconfortables à chaque fois. La corvée n'en était que pire. Au moins ça ne durait jamais longtemps.

Il la laissa débiter ses méfiances. Elle se comportait comme si tout lui était acquis, tout devait se plier à elle. Comme si elle l'attendait depuis des heures, comme s'il était un rustre. Son mépris transpirait.
Kuruk se retint de soupirer, il ne lui en donnerait pas le plaisir. Mais il se permit de répondre aussi frontalement.

"Non. J'imagine que ce sont vos précautions qui expliquent votre retard. "

Il répondait comme s'il avait paré. Les discussions avec elle ressemblait à un duel entre une fine épée et une hache. En finir au plus vite, voilà ce qu'il se disait, il glissa alors sa grosse main par dessous son châle pour attraper la lettre. Kuruk se redressa de toute sa largeur, il n'avait même pas enlevé sa capuche. Il lui tendit la lettre du bout du bras, du bout des doigts. Il ne carrait pas les épaules, ne cherchait pas à intimider cette nuwa qui était trop insolente pour être impressionnable, il cherchait à s'en aller vite. Il ajouta, lassivement, avec un regard. Même s'il savait cette précaution inutile, Mei-Lin était pleine de défaut, mais elle prenait son rôle au sérieux, faisait attention à ces détails.

"En main propre, seulement."

Il m'était difficile, alors, de voir la dureté que j'offrais à Zéphyr Kuruk, là où l'aimable ton politique l'emportait pour toutes mes autres rencontres du même type. Etait-ce sa laideur ? Ses origines ? Le ton semblable au mien qu'il semblait avoir adopté avec le temps ?

Non. Cela ne venait simplement que de mon effroi pour ces plans et ces échanges de messages. Non que le rôle de messagère ne soit un problème, c'était davantage la teneur des échanges, auxquels j'étais par moment invitée, qui m'effrayaient suffisamment pour que le simple fait d'en être actrice me dégoûte, et que Kuruk en étant le même instrument, il recevait le courroux que je ne pouvais offrir à d'autres. C'était injuste, mais c'était ainsi ; et je n'étais de toute façon pas prête à admettre ce fait.

« Vous présumez bien », répondais-je simplement sur un ton neutre, avant d'attraper la lettre tendue d'un geste sec et de répondre à la précaution rappelée à mon souvenir. « Je vous retourne la remarque. »

La politesse aurait exigé des salutations, des au revoir quelconques, mais je n'en avais ni le coeur ni l'envie, validant par là même les clichés que nombre de vigesciens zarathistes se faisaient des Nuwas : pédants et trop sûr d'eux-même. Je lui tournais simplement le dos, ravie malgré moi d'en avoir terminé aussi vite, cette fois ... M'arrêtant net lorsque six hommes s'échappèrent des ombres, partageant notre goût pour les capes et capuches, y ajoutant de nombreux foulards couvrant le bas de leur visage.

Passant la main droite sur le manche de mon katana, dans le fourreau à mon flanc gauche accroché à ma ceinture, je fronçais doucement en écartant lentement les pieds.

Kuruk vit le dos de la nuwa juste après qu'elle ait soufflé ses quelques mots. Pas un au-revoir, rien. Elle s'échappait comme à son habitude, sans manière. Il serra les crocs et fronça les sourcils. Et presque sans réfléchir, il tendit sa grosse main pour la poser sur son épaule. Il n'aimait pas ses manières, cette façon de le provoquer.

ll n'eut pas le temps de finir son geste que 5... non 6 ombres se montrèrent. Sa mâchoire se détendit, un rictus remplaça sa moue. Il aimait la bagarre. Et cette situation montrait qu'ils n'auraient pas à discuter. Son corps se relâcha, un pied devant l'autre, une garde à peine voilée. Sa capuche et ses vêtements naporiens le gêneraient... pour autant, il pensait pouvoir se défaire de 6 adversaires silkiens, aussi rusés soient-ils. Il lui suffirait d'un coup pour chaque.
Le vigescien vit la nuwa poser la main, en réflexe, sur son katana d'apparât. Elle ne saurait se défendre, mais Kuruk était loin d'être un chevalier servant, empêcher cette femme de se battre, aussi médiocre soit son niveau, aurait été une marque d'irrespect et d'humiliation qu'il n'infligerait pas. Pourtant, si elle ne survivait pas, il en serait tenu responsable et tous ces rendez-vous n'auraient mené à rien. Sans la regarder, il lui demanda donc.

"Tâchez de rester en vie. Pour le bien de nos Nations."

Il n'eut pas le temps de sortir son cimeterre que 4 des assaillants se jetaient sur lui, heureusement de face seulement. Elle devrait s'en sortir avec 2 assaillants espérait-il. Il devait impérativement faire vite avec les siens. Le combat commençait.

Il était à la fois compréhensible et rassurant de voir mon allié me sous-estimer. Et s'il souhaitait faire face à la majorité des ennemis, eh bien ... Je n'irais pas m'en plaindre.

Cependant, je ne pouvais miser ma vie sur le peu d'expérience des silkiens ; certains d'entre eux, aussi rares soient-ils, étaient de véritables machines de guerre. Je n'en avais jamais été témoin, certes, mais l'on m'avait suffisamment conté d'histoires pour que je commence à y croire.

Je tremblais des mains sans jamais sortir mon arme, feintant à l'adresse de mon duo d'adversaires une faiblesse qui m'avait depuis ces deux dernières années peu à peu quittée, mais qui restait de notoriété publique - un avantage que je comptais bien exploiter.

Comme prévu, les deux foncèrent dans ma direction, bien décidés d'en finir avec le maillon faible pour se jeter à six sur le fort.

[Suite à venir après jet de dé]

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'Corps à corps' :

Il était à la fois compréhensible et rassurant de voir mon allié me sous-estimer. Et s'il souhaitait faire face à la majorité des ennemis, eh bien ... Je n'irais pas m'en plaindre.

Cependant, je ne pouvais miser ma vie sur le peu d'expérience des silkiens ; certains d'entre eux, aussi rares soient-ils, étaient de véritables machines de guerre. Je n'en avais jamais été témoin, certes, mais l'on m'avait suffisamment conté d'histoires pour que je commence à y croire.

Je tremblais des mains sans jamais sortir mon arme, feintant à l'adresse de mon duo d'adversaires une faiblesse qui m'avait depuis ces deux dernières années peu à peu quittée, mais qui restait de notoriété publique - un avantage que je comptais bien exploiter.

Comme prévu, les deux foncèrent dans ma direction, bien décidés d'en finir avec le maillon faible pour se jeter à six sur le fort.

Je l'admets, un excès de confiance m'avait gagné lorsque, usant de mon habileté pour l'iaijutsu, je comptais trancher la paire d'hommes en deux mouvements. Si le premier coup fit mouche et trancha vif la nuque de mon assaillant, envoyant une giclée de sang dans les ombres environnantes, le second prouva que j'avais eu raison de me méfier : l'assassin leva l'une de ses deux dagues pour dévier ma lame, avant de tenter que je m'empressais d'esquiver de quelques pas en arrière.

Sans doute me faudrait-il sortir mon tantō plus tôt que je ne l'avais espéré.

Kuruk aimait cet instant, cette fraction avant le combat. Il se concentrait. Il sentit la pluie, il voyait distinctement les hommes en face de lui. Ils ne venaient pas en courant, mais se plaçaient de manière intelligente, pour lancer une attaque commune.
Le vigescien était meilleur en attaques frontales. Mais dans l'ombre, il n'avait pas le choix. D'autant qu'il devait éviter de crier, ce qu'il faisait régulièrement pour distraire un adversaire.

Kuruk décida, prenant un risque par ailleurs, de se jeter sur un assaillant à une extrémité.

Dans le même mouvement, il arracha sa cape pour la jeter sur le deuxième assaillait le plus proche de lui, et approcha sa face monstrueuse sur un silkien. L'apparition presque démoniaque d'un vigescien difforme, avec de longs crocs, des yeux presque blanc à moins de 10 centimètres de son visage lui fit arrêter son geste en effleurant la peau de Kuruk. Il en profita bien évidemment pour sectionner la jugulaire d'un bout de croc. Dans le même geste il arracha la dague. Ensuite, Kuruk se retourna vers l'assaillant le plus proche qui venait de transpercer la cape qui lui avait caché la vue, il donna un puissant coup de pied pour écarter la première victime qui venait de s'écrouler.
Il laissa l'effet de surprise ralentir l'attaque du deuxième silkien pour attraper la gorge de sa deuxième victime en serrant le plus fort possible, ses pieds quittant le sol, il entendit les craquements des os et lança le nouveau corps sur le côté.

Les deux autres assaillants firent une pause, Kuruk souriait. Il pensait à Mei-Lin, espérant qu'elle survivait encore le temps qu'il vienne l'aider. Mais en attendant, il devait en finir vite et donc rester concentré.

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'Intimidation' :

L'homme était habile avec ses lames, pour un Silkien. Exécutant une véritable danse d'estoc qui fendaient l'air avec une précision qui aurait presque rivalisé avec celle des femmes d'armes impériales, il n'hésitait pas à s'approcher autant que possible, pour rendre difficile toute contre-attaque à l'aide de mon katana. Ainsi, je profitais d'une enième esquive pour m'agenouiller brièvement, attrapant le tantō à ma cheville, soigneusement dissimulé sous ma manche de pantalon, parant le coup suivant ... en poignardant sa paume pour mieux aller coller lame et main dans son propre cou, avant de retirer le tout et de le transpercer quelques fois supplémentaires pour bonne mesure, ponctuant chaque coup d'un bref et discret cri guerrier.

Couverte de giclures de sang, je grondais, tant de colère que de frustration, avant de me jeter dans le dos de l'un des deux derniers assaillants qui faisaient face à mon allié d'infortune, transperçant son coeur d'un coup net et précis de ma dague de la main gauche et envoyant mon katana trancher la main directrice du second qui se retournait de l'autre.

« K-... Derrière vous ! », m'écriais-je, manquant de peu de prononcer par erreur son prénom, lançant ma courte arme qui passait au-dessus de l'épaule et qui, si elle ne touchait sa cible, avait au moins eu le don de retarder l'attaque qui le menaçait.

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'Corps à corps' :

Surpris. C'était le moins qu'on pouvait dire. Kuruk s'était stoppé net dans son élan. Il savait admirer la beauté là où elle était. Et pour Kuruk, la beauté résidait souvent en de flamboyantes et meurtrières démonstrations de force. Exactement ce que Mei Lin lui présentait. Il ne bougeait plus, admirant, se sentant presque privilégié.

Mais la voix de la nuwa le concentra de nouveau. Il crut qu'elle allait dire son nom en entier, écarquilla les yeux. Puis réagit instinctivement à la suite de son message. Un moment de grâce, il lui fit entièrement confiance.

Il jeta son buste en avant et une jambe puissante en arrière. Cela lui permit de repousser maladroitement un nouvel ennemi, qui se remettait déjà en garde. Un septième ? Il en avait pourtant vu six ! Et celui là avait l'air naporien, impossible de savoir s'il était vraiment silkien.
Un cri de femme interrompit le bruit du combat. Le naporien ne s'en formalisa pas. Il tenait une lame noire droit sur le vigescien. Zéphyr connaissait trop bien cette ville pour savoir que les ennuis arrivaient. Il entendit un sifflement et se recula soudainement, cachant toujours Mei Lin aux yeux du dernier assaillant visible. Il souffla.

"Il faut partir. Tout de suite."

Ce dernier l'avait entendu ? Il n'en savait rien mais il entendit la déflagration d'une bombe artisanale lancée au sol. D'un mouvement de poignet, il lança sa dague vers le naporien tandis que des fumées les entouraient déjà.
Cet homme l'avait vu, il entendit un râle visqueux. Il espérait l'avoir tué. Les sifflements recommencèrent, il sentit la morsure sur son bras tandis qu'il attrapait l'avant-bras de Mei Lin. Un shuriken, et il en pleuvait.

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'Acrobaties' :

Je hochais la tête d'un air entendu à l'affirmation du Vigescien. Nous étions désavantagés, notre survie serait loin d'être assurée si les gangs s'en mêlaient. Manquant de trébucher suite à la déflagration d'une des bombes silkiennes, je remerciais intérieurement mon allié d'infortune qui m'avait attrapé le bras et protégé de son corps de la plupart des shurikens qui auraient, je n'en doutais aucunement, été bien davantage dommageables sur mon corps que sur le sien.

Derrière, devant, au-dessus, partout nous entendions les sifflements discrets mais meurtriers des projectiles de nos poursuivants qui ne cessèrent de voler lorsque nous nous engouffrions dans l'une des grandes avenues encore peuplées en ces heures tardives. Car ce soir était soir de marché nocturne dans ce petit quartier habituellement sans problèmes, presque protégé par les quelques gangs les moins malveillants de la ville qui y avaient élu domicile.

La poursuite et les cris enragés de nos agresseurs créa des scènes de panique, et je perdais dans un mouvement de foule le contact avec Zéphyr Kuruk. En tant que Kaiming De Ren, il m'était aisé de me fondre dans les foules hétéroclytes parfois plus grandes en hauteur que mes origines ne m'avaient disposé, mais je doutais qu'il en soit de même pour le Zarathiste. Rejoignant l'obscurité d'une ruelle et d'un recoin relativement sûr, je soupirais un instant, faisant un pas vers la sécurité que m'offrait le lointain ... Avant de m'arrêter net, haletante.

Bon sang. Déesse, pourquoi ?

« Foutu honneur », jurais-je en grinçant des dents, me jetant à nouveau dans la foule paniquée, dans l'espoir de retrouver le vigescien qui m'avait jusque-là protégé, avec la ferme intention de m'acquitter de ma dette.

Le bordel. Kuruk n'avait d'autres pensées pour exprimer ce mouvement de foule, de panique qui l'entourait dans ce marché nocturne sous la pluie. Il n'était pas le plus grand des vigesciens mais il était reconnaissable entre mille. Les gens s'écartaient autour de lui, et il était vulnérable dans cette foule intimidée.
Il perdit bien évidemment Mei Lin, s'il l'avait bien cerné, elle s'était sans doute enfuie. Tant mieux d'un côté, il n'avait plus à penser à préserver l'alliance entre eux. Tant pis de l'autre, car elle avait été une combattante redoutable de ce qu'il avait aperçu. Et clairement, il ne pourrait combattre seul. Il aimait se battre mais savait se replier.
Il arracha d'un étal une pièce de tissus qu'il entoura autour de son corps et de sa tête, un drapé comme certaines vigesciennes de la capitale faisaient. Lorsque le tissus appuya sur les shuriken enfoncés dans sa peau il maugréa. Mais il devait penser à autre chose que son dos de porc épic.

Il abaissa ses épaules, et suivit une foule se demandant comment se cacher au mieux. Au détour d'un virage, il sauta derrière un étal de légumes plein de sacs, se laissant glisser sous une charrette et agrippant deux panneaux de bois, il se hissa le plus possible sous la charrette. C'est ainsi qu'il tenta de cacher sa grosse carcasse. Le mieux étant peut-être de laisser ses poursuivants croire qu'il avait quitté le marché. Cependant les shuriken dans son dos appuyaient contre le sol, heureusement que le sang se diluait dans les flaques de pluie. Il jura sur tous les noms de dieux qu'il connaissait, dans sa tête.